Correspondance de Voltaire/1758/Lettre 3669
Vos nouvelles de Choisy, madame, ne sont pas les plus fidèles. On a imaginé à la cour de bien fausses consolations. Il est bien triste d’être réduit à feindre des victoires. Les combats du 26 et du 27 sont bons à mettre dans les Mille et une Nuits. Il est très-certain que les Russes n’ont point paru après leur défaite du 25[1], et il est bien clair que le roi de Prusse les a mis hors d’état de lui nuire de longtemps, puisqu’il est allé paisiblement secourir son frère et faire reculer l’armée autrichienne, Croiriez-vous que j’ai reçu deux lettres de lui depuis sa victoire ? Je vous assure que son style est celui d’un vainqueur. Je doute fort qu’on ait tué trois mille hommes aux Anglais, auprès de Saint-Malo ; mais j’avoue que je le souhaite. Cela n’est pas humain ; mais peut-on avoir pitié des pirates ?
La paix n’est pas assurément prête à se faire. À combien Strasbourg est-il taxé ? Pour nous, nous ne connaissons ni guerre, ni impôts. Nos Suisses sont sages et heureux. J’ai bien la mine de ne les pas quitter, quoique la terre de Craon soit bien tentante.
Adieu, madame ; je vous présente mes respects, à vous et à votre amie, et vous suis attaché pour ma vie. V.
- ↑ Du 25 août ; voyez lettre 3658.