Correspondance de Voltaire/1757/Lettre 3491

Correspondance de Voltaire/1757
Correspondance : année 1757GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 331).

3491. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Lausanne, 20 décembre, au soir.

Quand les Prussiens tuent tant de monde, il faut bien aussi que je vous assassine de lettres, mon cher ange. Il est difficile que vous ayez su plus tôt que nous autres Suisses la nouvelle victoire[1] du roi de Prusse, près de Neumarck en Silésie. Ce diable de Salomon est un terrible Philistin. La renommée le dit déjà dans Breslau ; mais il ne faut pas croire toujours la renommée. Elle parle d’une bataille entre M. de Richelieu et les Hanovriens ; elle prétend que nous avons été très-malmenés[2], et je n’en veux rien croire, car, si cela était vrai, nous perdrions encore cent mille hommes et deux cents millions, comme dans la guerre de 1741, dont Dieu nous préserve ! Peut-on songer à des Fanime à l’eau rose, quand on joue des tragédies si sanglantes ?

Dites-moi donc, je vous en prie, si vous êtes content, si vous avez eu ce que vous appelez votre audience[3]. Écrivez-moi un mot pour consoler le Suisse.

  1. Celle du 5 décembre, remportée près de Leuthen et de Lissa, par Frédéric, sur Daun et le prince Charles de Lorraine. — Breslau, dont les Autrichiens s’étaient emparés le 22 novembre 1757, se rendit à Frédéric le 20 décembre suivant. (Cl.)
  2. C’était une fausse nouvelle. Richelieu obtint même un avantage sur les Hanovriens, dans un combat, le 25 décembre.
  3. Relativement à la maison incendiée par les Anglais.