Correspondance de Voltaire/1757/Lettre 3412
Si j’étais moins vieux, moins infirme, je n’écrirais point à mon héros ; je viendrais en Allemagne, je serais témoin de sa nouvelle gloire. Mais, monseigneur, je suis condamné par la nature à planter des choux, quand vous allez cueillir des lauriers. J’aurai du moins des protecteurs auprès de vous.
Messieurs de Châteauvieux, qui se chargent de ma lettre, ont l’honneur et le plaisir de servir sous tous. Ce sont de braves gentilshommes de nos cantons, qui se sont mis à aimer la France de tout leur cœur, et qui vont l’aimer bien davantage en combattant sous vos ordres. Ils ont levé, il y a quelques années, des compagnies à leurs dépens[2] ; ils sont fils d’un des chefs les plus respectables de la république de Genève. Comme je suis Genevois six mois de l’année, et que me voilà dans mon semestre, je n’ai pu choisir de meilleurs garants de mon tendre et respectueux attachement pour vous. Je suis extrêmement attaché à toute leur famille, et je ne me conduis pas maladroitement avec vous en prenant, pour vous faire ma cour, les plus sages et les plus braves officiers du monde, qui ambitionnent, autant que moi, de vous plaire.
Recevez, avec votre bonté ordinaire, le profond et tendre respect du Suisse V.