Correspondance de Voltaire/1757/Lettre 3315

Correspondance de Voltaire/1757
Correspondance : année 1757GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 174-175).

3315. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
13 février.

Le fragment de votre lettre sur l’amiral Byng[1], monseigneur, fut rendu à cet infortuné par le secrétaire d’État, afin qu’elle pût servir et sa justification. Le conseil de guerre l’a déclaré brave homme et fidèle. Mais en même temps, par une de ces contradictions qui entrent dans tous les événements, il l’a condamné à la mort, en vertu de je ne sais quelle vieille loi, en le recommandant au pouvoir de pardonner, qui est dans la main du souverain. Le parti acharné contre Byng crie à présent que c’est un traître qui a fait valoir votre lettre, comme celle d’un homme par qui il avait été gagné. Voilà comme raisonne la haine ; mais les clameurs des dogues n’empêchent pas les honnêtes gens de regarder cette lettre comme celle d’un vainqueur généreux et juste, qui n’écoute que la magnanimité de son cœur.

Je crois que vous avez été un peu occupé, depuis un mois, de la foule des événements, ou horribles, ou embarrassants, ou désagréables, qui se sont succédé si rapidement. Les gens qui vivent philosophiquement dans la retraite ne sont pas les plus à plaindre. Je crains d’abuser de vos moments et de vos bontés par une plus longue lettre : il faut un peu de laconisme avec un premier gentilhomme de la chambre, qui a le roi et le dauphin à servir, et avec celui qui est fait pour être dans les conseils et à la tête des armées.

Mme Denis vous idolâtre toujours, et il n’y a point de Suisse qui vous soit attaché avec un plus tendre respect que


le Suisse Voltaire.

  1. Vovez lettre 3277.