Correspondance de Voltaire/1756/Lettre 3260

Correspondance de Voltaire/1756
Correspondance : année 1756GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 131-132).

3260. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[1].
Aux Délices, près de Genève, 14 novembre.

Madame, j’eus hier l’honneur d’écrire à Votre Altesse sérénissime, par un Anglais nommé M. Keat, qui se propose de voir, en Allemagne, ce qu’il y a de plus digne d’un être pensant, et par conséquent de vous faire sa cour. Mais ne sachant pas trop quand il partira, je ne veux pas laisser arriver l’année 1757 sans renouveler à Votre Altesse sérénissime, à monseigneur le duc et à toute votre auguste maison, les respectueux sentiments qui m’attachent pour jamais à elle. Je me flatte que les princes vos enfants vous donneront toujours de plus en plus, madame, des sujets de consolation et de joie. Puisse la grande maîtresse des cœurs jouir d’une santé qui tienne de l’égalité de son âme ! La vôtre, madame, aura peut-être de quoi s’exercer au milieu des orages qui semblent prêts à fondre de tous côtés dans le voisinage de ses États. Je me flatte qu’elle n’aura à faire usage que de son humanité et de sa compassion pour ses voisins, et que ses propres États seront à l’abri. C’est tout ce que peut dire un solitaire qui voit de loin toutes ces tempêtes. La Saxe paraît bien malheureuse, mais aussi la patrie que Votre Altesse sérénissime gouverne paraît jusqu’à présent bien fortunée ; c’est à quoi je m’intéresse le plus. Mais de quel prix peuvent être à vos yeux les sentiments d’un ermite inutile ?

Il n’y a que votre bonté qui puisse leur en donner. Conservez cette bonté, madame, à un serviteur attaché à Votre Altesse sérénissime avec le plus profond respect.

  1. Éditeurs, Bavoux et François.