Correspondance de Voltaire/1755/Lettre 3076

Correspondance de Voltaire/1755
Correspondance : année 1755GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 518).

3076. — À M. DE BRENLES.
Aux Délices, 6 décembre.

Mon cher ami, les pucelles, les tremblements de terre, et la colique, me mettent aux abois. Les petits maux me persécutent, et je suis encore sensible à ceux de la fourmilière sur laquelle nous végétons avec autant de tristesse que de danger. On n’est pas sûr de coucher dans son lit, et, quand on y couche, on y est malade ; du moins c’est mon état, et c’est ce qui m’empêche de venir faire avec vous des jérémiades à Monrion. J’ai encore, pour surcroît de malheur, un cheval encloué dans le meilleur des mondes possibles. Je suis prêt à partir ; j’ai encore envoyé de petits bagages à l’ermitage de Monrion, et, dès que mon cheval et moi nous serons purgés, je prendrai sûrement un parti ; en attendant, je n’en peux plus. Si je suis confiné à mes prétendues Délices, il faudra que je vous envoie Mme Denis, qui me paraît enchantée de vous et de Lausanne ; mais le mieux sera de l’accompagner, et, somme totale, je viendrai vif ou mort. Il y a un docteur Tissot qui dissèque proprement son monde, c’est une consolation ; je ne me console point pourtant de mon ami Giez. Mille respects à Mme de Brenles ; je vous embrasse du meilleur de mon cœur. V.