Correspondance de Voltaire/1755/Lettre 2967

Correspondance de Voltaire/1755
Correspondance : année 1755GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 421-422).

2967. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL
31 juillet.

Mon cher ange, votre lettre du 25 juillet m’apprend que vous avez reçu la petite correction du quatrième acte, conformément à vos désirs et à vos ordres. Je ne doute pas que vous n’ayez reçu aussi celle du deuxième acte. Le violent chagrin que me cause cet abominable ouvrage qu’on fait courir sous mon nom me met hors d’état d’embellir, comme je le voudrais, une tragédie que vous approuvez. Pourquoi M. de Richelieu imagine-t-il que je lui envoyais un exemplaire rapetassé ?

Je lui envoyais, comme à vous, quelque chose de bien meilleur que la rapsodie qui court. Il n’a point reçu son paquet. Apparemment que M. de Paulmy a voulu en prendre copie pour son droit de transit ; à la bonne heure. M. de Richelieu me gronde sur la distribution des rôles ; je ne m’en mêle point ; c’est à vous, mon cher ange, à tout ordonner avec lui. Gengis et Zamti sont deux rôles que Grandval et Lekain peuvent jouer. Faites tout comme il vous plaira ; mon unique occupation est de tâcher de vous plaire ; mais le pucelage de Jeanne me tue. Je vous embrasse mille fois, mon ange.

Je rouvre ma lettre. J’apprends dans l’instant qu’on a encore volé le manuscrit de la Guerre de 1741, qui était dans les mains de M. d’Argenson, de M. de Richelieu, et de Mme de Pompadour. On[1] a porté tout simplement le manuscrit à M. de Malesherbes, qui donne aussi tout simplement un privilège. Je vous conjure de lui en parler, et de l’engager à ne pas favoriser ce nouveau larcin. On dit que cela presse. Je n’ai d’espérance qu’en vous.

Revenons aux Chinois. Grandval, à qui j’ai donné cinquante louis pour le Duc de Foix, refuserait-il de jouer dans l’Orphelin ? Au nom du Tien, arrangez cela avec monsieur le maréchal.

  1. Prieur ; voyez lettre 2944.