Correspondance de Voltaire/1755/Lettre 2953

Correspondance de Voltaire/1755
Correspondance : année 1755GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 410-411).

2953. — À M. LE MARQUIS COURTRIVRON.
Aux Délices, 22 juillet.

Votre Traitè d’optique, monsieur, ne peut devenir meilleur que par des augmentations, et ne peut l’être par des changements.

Je vous renouvelle mes remerciements pour cet ouvrage, et je vous en dois de nouveaux pour la bonté que vous avez de vous intéresser aux vérités historiques qui peuvent se trouver dans le Siècle de Louis XIV. Ces vérités ne sont pas du genre des démonstrations. Tout ce que je peux faire, c’est de croire ce que m’a assuré M. de Fénelon, neveu et élève de l’archevêque de Cambrai, que les vers[1] imputés à Mme Guyon étaient de l’auteur du Tèlémaque, et qu’il les lui avait vu faire ; ce peut être la matière d’une note.

À l’égard de la poudre de diamant, comme cette question est du ressort de la physique expérimentale, elle peut mieux s’éclaircir. Le verre et le diamant n’étant que du sable, il redevient sable fin quand il est réduit en poudre impalpable, et cette poudre n’est pas plus nuisible que la poudre de corail. De là vient que tant d’ivrognes ont été dans l’habitude d’avaler leur verre après l’avoir vidé.

J’ai eu le malheur de souper quelquefois, dans ma jeunesse, avec ces messieurs ; ils brisaient leurs verres sous leurs dents, et ni le vin ni le verre ne leur faisaient mal. Si les fragments de verre ou de diamant n’étaient pas assez broyés, assez pilés, on ne pourrait les avaler, ou du moins on sentirait au passage un petit déchirement, une douleur qui avertirait. Je n’ai point sous les yeux l’article où Boerhaave parle des poisons ; j’ai celui d’Allen[2], qui dit en effet que la poudre de diamant est un poison. Mais le docteur Mead[3] disait : « Qu’on me donne deux gros diamants à condition que j’en avalerai un en poudre, et je ferai le marché. » En un mot, il est très-certain que la poudre de diamant impalpable ne peut faire de mal, et que, grossière, on ne l’avalerait pas. Du verre pilé tue quelquefois des souris, et souvent les manque ; mais une princesse, dont le palais est délicat, n’avalerait point du verre mal pilé.

Je viens de parler de tout cela à M. Tronchin, qui est entièrement de mon avis ; ce peut encore être l’objet d’une note.

Je vous aurai obligation, monsieur, d’éclaircir ces deux faits dont vous me faites l’honneur de me parler.

La prédiction des tremblements de terre sera un peu plus difficile à constater. Je me suis un peu mêlé du passé, mais j’avoue en général ma profonde ignorance sur l’avenir.

Tout ce dont je suis bien sûr, pour le présent, c’est de la sensibilité que vos attentions obligeantes m’inspirent, et de l’estime infinie avec laquelle j’ai l’honneur d’être, etc.

  1. Voyez tome XV, pages 72 et 140 ; et, tome XXIX, le ixe des Fragments sur l’histoire.
  2. Probablement Thomas Allen, né en 1542, mort en 1632.
  3. Richard Mead.