Correspondance de Voltaire/1753/Lettre 2600

Correspondance de Voltaire/1753
Correspondance : année 1753GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 78-79).

2600. — À M*** [LE COMTE DE STADION][1].
À Francfort, 26 juin.

La même personne qui a eu l’honneur d’écrire de Francfort à Son Excellence, et d’implorer la protection de Leurs Majestés impériales, supplie Irès-humblement Son Excellence de continuer à lui garder le secret. Si Leurs Majestés impériales ne sont pas dans le cas d’accorder leur protection dans cette affaire, elles seront du moins indignées de ce qui vient de se passer dans Francfort. Un notaire, nommé Dorn, commis du sieur Freytag, résident de Prusse, enlève une dame de condition, qui vient à Francfort auprès de son oncle malade. Il la conduit à travers la populace, à pied, dans une auberge, lui ôte ses domestiques, met des soldats à sa porte, passe la nuit seul dans la chambre de cette dame mourante d’effroi. On supprime ici, par respect pour Sa Majesté impériale la reine, les excès atroces où le nommé Dorn, commis de Freytag, et cependant notaire impérial, a poussé son insolence.

Son Excellence peut aisément s’instruire de ce que c’est que Freytag, aujourd’hui résident de Prusse. Il est connu à Vienne et à Dresde, ayant été chàtié dans ces deux villes.

La personne qui a pris la liberté de s’adresser à Son Excellence avait bien raison de prévoir les extrémités les plus violentes. Elle est bien loin de vouloir compromettre personne, elle ne demande que la continuation du secret.

On doit trouver étrange que tant d’horreurs arrivent dans Francfort, uniquement au sujet du livre de poésies françaises de Sa Majesté prussienne. Sa Majesté prussienne est trop juste, trop généreuse, pour avoir ordonné ces violences au sujet de ses poésies qu’on lui a rendues. Personne ne peut imputer de pareilles horreurs envers une dame à un si grand roi.

  1. Voyez la lettre 2569.