Correspondance de Voltaire/1753/Lettre 2560

Correspondance de Voltaire/1753
Correspondance : année 1753GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 29).

2560. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL[1].

Mon cher ange, j’ai espéré de jour en jour de venir vous embrasser. Je ne vous ai point écrit, mais toutes mes lettres à Mme Denis ont été pour vous, et mon cœur vous écrivait toutes les postes. Il eût fallu faire des volumes pour vous instruire de tout, et ces volumes vous auraient paru les Mille et une Nuits. Mon cher ange, j’ai eu tant de choses à vous dire que je ne vous ai rien dit ; mais, dans tout ce tumulte, je vous ai envoyé Zulime. Jugez si je vous aime ; non que je croie que Zulime vaille Catilina, mais vous aimez cette femme ; je ne crois pas que vous ayez d’autre plaisir que celui de la lire. Il faut, pour jouer Zulime, une personne jeune et belle, qui ne s’enivre[2] pas.

J’espère vous embrasser bientôt. À mon départ de Syracuse, j’ai passé par d’autres cours de la Grèce, et je finirai par philosopher avec vous à Athènes.

Depuis trois mois je n’ai pas un moment à moi. Mon cœur sera à jamais à vous.

  1. Voltaire n’était pas encore arrive à Francfort quand il écrivit cette lettre, datée de juin par erreur dans l’édition de Kehl ; elle doit être du 28 au 30 mai 1753. Voltaire était alors à Wabern (ou Warbern), chez Guillaume VIII, landgrave de Hesse-Cassel. (Cl.)
  2. Allusion à la Dumesnil, qui aimait le vin. (Cl.)