Correspondance de Voltaire/1753/Lettre 2502

Correspondance de Voltaire/1753
Correspondance : année 1753, Texte établi par Condorcet, GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 37 (p. 555-556).

2502. — À M. FALKENER[1].
Berlin, 16 janvier 1753.

Dear sir, I have reaped benefit enough, since I have pleased you, and not displeased your nation. I return you my most tender thanks. I hope to come over myself, in order to print my true works, and to be buried in the land of freedom. I require no subscription ; I desire no benefit. If my works are neatly printed, and cheaply sold, I am satisfied.

You must know, my dear sir, that a dispute upon a point of mathematics has raised a scandalous noise between M. Maupertuis, president of the Prussian Academy, and professor Kœnig. All the philosophers of Europe were for Kœnig, and all the world cried out against the ill usage he met with from Maupertuis. But the king of Prussia took the part of the president, and wrote against Kœnig’s abettors a pamphlet, wherein His Majesty calls them rogues, scurrilous and infamous writers, halfwitted and madmen. In the mean time, Maupertuis published a singular book of philosophy.

The author proposes to build a latin town : to lengthen out human life to four hundred years, by laying men asleep : to go to the antarctick pole, and there to dissect the brain of giants, in order to know the nature of the soul, etc., etc. The book in full of such nonsense ; but the author had the good sensr to calumniate me to the king. His Majesty, one day, according to his good will and pleasure, ordered at his breakfast that his hangman should burn a little banter I had wrote upon the noble discoveries of Maupertuis.

The rest of the story is contained in the little paper I send you, which I entreat you to have inserted in your news-papers. If I live and if I am free, I will cross the sea to thank you, my dear friend.

Your for ever.


Voltaire.

P. S. Pray, keep my letter secrets[2].

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Traduction : Cher monsieur, c’est assez de profit pour moi de vous avoir plu et de n’avoir pas déplu à votre nation. Je vous envoie mes plus tendres remerciements. J’espère faire moi-même la traversée pour imprimer mes véritables ouvrages, et être enseveli dans la terre de liberté. Je ne demande pas de souscription, je ne désire aucun bénéfice ; si mes ouvrages sont bien imprimés, et vendus à bon marché, je suis satisfait.

    Vous saurez, mon cher monsieur, qu’une discussion sur un point de mathématiques a excité une querelle scandaleuse entre M. Maupertuis, président de l’Académie de Berlin, et le professeur Kœnig. Tous les savants de l’Europe étaient pour Kœnig, et dans le monde il n’y avait qu’un cri contre les mauvais procédés de Maupertuis. Mais le roi de Prusse prit parti pour le président, et écrivit contre les partisans de Kœnig un pamphlet où Sa Majesté les traite de coquins, de vils et infâmes écrivains, d’imbéciles et de faussaires. En même temps Maupertuis publiait un singulier livre de philosophie.

    L’auteur propose de fonder une ville latine, de prolonger la vie humaine jusqu’à quatre cents ans en endormant les hommes, d’aller au pôle antarctique, et là, de disséquer les cervelles des géants afin de connaître la nature de l’âme, etc., etc. Le livre est plein de tels non-sens* ; mais l’auteur a eu le bon sens de me calomnier auprès du roi. Un jour, Sa Majesté, suivant sa volonté et son bon plaisir, ordonna, à son déjeuner, que son bourreau brûlât une petite facétie que j’avais écrite sur les magnifiques découvertes de Maupertuis.

    Le reste de l’histoire est raconté dans le petit papier que je vous envoie, et que je vous prie de faire insérer dans vos journaux**. . Si je vis et si je suis libre, je traverserai la mer pour vous remercier, mon cher ami. À vous pour toujours.

    P. S. Je vous prie de garder le secret sur ma lettre. *. Le mot anglais nonsense (niaiserie) n’est pas traduit exactement en français par non-sens ; cependant c’est probablement dans cette acception que Voltaire l’a employé ici, ou plutôt il a voulu jouer sur le mot. **. Vovez la note 2 de la lettre 2496.