Correspondance de Voltaire/1752/Lettre 2415

Correspondance de Voltaire/1752
Correspondance : année 1752, Texte établi par Condorcet, GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 37 (p. 470-471).

2415. — À M. FALKENER[1].
Potsdam, 22 août 1752.

Je ne vous écrirai aujourd’hui ni de ma main, ni en anglais, mon cher et respectable ami ; je suis trop malade pour avoir cette consolation.

J’ai appris qu’un libraire de Londres, nommé Dodsley, avait imprimé par souscription le Siècle de Louis XIV, en deux beaux volumes. Si cela est, il a fait une sottise de ne pas m’en informer. Il devait présumer qu’une première édition n’est jamais qu’un essai, qu’il s’y glisse beaucoup de fautes, et que cette première édition attire à l’auteur beaucoup de critiques, de remarques et d’instructions utiles dont il profite : c’est ce qui m’est arrivé. Des ministres d’État, qui m’avaient impitoyablement refusé leurs lumières lorsque je travaillais autrefois à cet ouvrage, se sont empressés de m’éclairer dès qu’il a paru. Le livre, tout informe qu’il était, a eu tant de vogue, et l’objet en est si intéressant, que chacun a voulu avoir part à sa perfection. Muni de tant de secours, je fais faire une édition nouvelle, dont j’espère vous envoyer un exemplaire avant deux mois.

Je vous supplie de communiquer au libraire Dodsley le mémoire que je vous envoie. Il serait triste qu’il eût déjà commencé son édition. Je vous demande la grâce de m’informer de ce qui en est, le plus tôt que vous pourrez. Je ne me console d’avoir donné l’édition de Berlin que parce qu’elle en procurera une meilleure. Ce n’est pas que je me reproche de m’être trompé sur des vérités importantes : mais je n’en ai pas dit assez, et je vous assure que la seconde fournée sera bien plus curieuse que la première.

Permettez-moi de présenter mes respects à madame votre épouse ; je souhaite mille prospérités à toute votre chère famille et à votre nation, que j’aimerai toujours.

Adieu, my dear friend.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.