Correspondance de Voltaire/1752/Lettre 2397
Sire, vous contâtes hier l’histoire de Gustave Vasa avec une éloquence si animée que vous nous enchantâtes tous. J’espère que quand Votre Majesté aura pris le fort Balbi[2] et donné quelque combat paisible, elle s’amusera à mettre en vers ce qu’elle nous dit hier en prose d’une manière si vive et si touchante. En vérité, il y a un homme bien extraordinaire dans le monde :
Il est grand roi tout le matin,
Après dîner grand écrivain,
Tout le jour philosophe humain,
Et le soir convive divin.
C’est un assez joli destin ;
Puisse-t-il n’avoir point de fin !
On me presse d’aller à Paris ; on veut que j’aille voir jouer cette tragédie[3] que vous aimez et que vous protégez. Oui, tarare ; je ne quitterai point mon grand homme pour aller chez des gens qui demandent des billets de confession.
Pardon, sire ; on ne peut s’empêcher de vous chérir malgré son profond respect.