Correspondance de Voltaire/1751/Lettre 2252

Correspondance de Voltaire/1751
Correspondance : année 1751, Texte établi par Condorcet, GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 37 (p. 292).

2252. — À FRÉDÉRIC II. ROI DE PRUSSE.

Sire, j’ai lu, la nuit et ce matin, depuis le Grand-Électeur jusqu’à la fin[1], parce qu’on ne peut pas lire deux moitiés à la fois. Quand vous n’auriez fait que cela dans votre vie, vous auriez une très-grande réputation. Mais cet ouvrage, unique en son genre, joint aux autres, et, par parenthèse, à cinq victoires et tout ce qui s’ensuit, fait de vous l’homme le plus rare qui ait jamais existé. Je remercie mille fois Votre Majesté du beau présent qu’elle a daigné me faire. Grand Dieu ! que tout cela est net, élégant, précis, et surtout philosophique ! On voit un génie qui est toujours au-dessus de son sujet. L’histoire des mœurs, du gouvernement, et de la religion, est un chef-d’œuvre. Si j’avais une chose à souhaiter, et une grâce à vous demander, ce serait que le roi de France lût surtout attentivement l’article de la religion, et qu’il envoyât ici l’ancien évêque de Mirepoix.

Sire, vous êtes adorable ; je passerais mes jours à vos pieds. Ne me faites jamais de niches. Si des rois de Danemark, de Portugal, d’Espagne, etc., m’en faisaient, je ne m’en soucierais guère : ce ne sont que des rois. Mais vous êtes le plus grand homme qui peut-être ait jamais régné.

Et notre sixième chant[2], sire, l’aurons-nous ?

  1. Mémoires pour servir à l’histoire du Brandehourg.
  2. Du poëme l’Art de la guerre.