Correspondance de Voltaire/1750/Lettre 2081

Correspondance de Voltaire/1750
Correspondance : année 1750, Texte établi par Condorcet, GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 37 (p. 122-123).

2081. — À M. DARGET.
À Paris, le 6 mai 1750.

Voici une seconde faffée[1] des nouvelles de l’abbé Raynal. Je souhaite qu’elles puissent adoucir la tristesse où vous êtes encore[2].

Ma mélancolie cadrerait bien avec la vôtre.


Oderunt hilarem tristes, tristemque jocosi[3].

Mais, mon cher monsieur, j’ai par-dessus vous des souffrances de corps continuelles. Que ferait un malingre, un cadavre ambulant, à la cour d’un jeune roi qui se porte bien, et qui a de l’imagination et de l’esprit du soir au matin ? Cependant je vous avoue ma faiblesse ; je n’aurais point de plus grande consolation que celle de le voir et de l’entendre encore avant d’aller rendre visite aux Antonins, aux Chaulieu, aux Chapelle, ses devanciers.

Je suis enchanté de tout le bien que vous me dites de mon cher d’Arnaud. Je voudrais bien qu’il lût, quand il n’aura rien à faire, le rogaton que je vous envoie. Buvez tous deux à ma santé, cela me fera peut-être du bien.

  1. Ce mot se trouve dans Villon, Grand Testament, octave cliii.
  2. Darget venait de perdre sa femme.
  3. Horace, livre II, épître xviii, vers 89.