Correspondance de Voltaire/1749/Lettre 2029

Correspondance de Voltaire/1749
Correspondance : année 1749, Texte établi par Condorcet, GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 37 (p. 75-76).

2029. — AU LIEUTENANT GÉNÉRAL DE POLICE[1].
Paris, 31 octobre 1749.

Je vous supplie instamment, monsieur, de vouloir bien ajouter aux services que vous rendez au public les bontés qu’un particulier vous demande.

On m’a volé les manuscrits de la tragédie de Sèmiramis, de la petite comédie de Nanine, et, ce qui est plus cruel, l’Histoire de la dernière guerre, que j’avais commencée et presque finie, par ordre du roi. La tragédie de Sémiramis, la petite comédie de Nanine, sont déjà imprimées, et le sont de la manière la plus absurde. On les vend publiquement à Fontainebleau. Je vous prie, monsieur, d’avoir la bonté de donner vos ordres à la chambre syndicale et à ceux que vous jugerez à propos, pour supprimer, autant qu’il se pourra, le cours de cette infidélité. Voulez-vous bien aussi permettre que je fasse afficher le papier ci-joint[2] ?

Vos bontés, dans cette occasion, préviendront la ruine du libraire qui m’imprime avec privilège, et les chagrins cruels que cette insigne friponnerie m’attire.

Vous rendrez à la fois un bon service aux lettres et à moi.

  1. Éditeur, Léouzou Leduc.
  2. Voici l’affiche jointe à la lettre :
    cent écus à gagner.

    On a volé plusieurs manuscrits contenant la tragédie de Sémiramis, la comédie intitulée Nanine, etc. ; l’Histoire de la dernière guerre depuis 1741 jusqu’en 1747. On les a imprimées remplies de fautes et d’interpolations ; on les vend publiquement à Fontainebleau. Le premier qui donnera des indices sûrs de l’imprimeur et de l’éditeur recevra la somme de 500 francs de M. de Voltaire, gentilhomme ordinaire du roi, historiographe de France, rue Traversière.