Correspondance de Voltaire/1745/Lettre 1741

Correspondance de Voltaire/1745
Correspondance : année 1745GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 376).
1741. — À M. LE DUC DE RICHELIEU.
Le 20 juin.

Voici un petit morceau dans lequel il y a d’assez bonnes choses. Il y a surtout un vers admirable :


Un roi plus craint que Charle et plus aimé qu’Henri[1].

Vous devriez bien, monseigneur, mettre le doigt là-dessus à notre adorable monarque. De héros à héros il n’y a que la main.

Voici une mauvaise plaisanterie que j’ai envoyée au vainqueur de Friedberg[2]. Je ne traite pas le roi de Prusse si sérieusement que le roi mon maître.


Lorsque deux rois s’entendent bien[3],
Que chacun d’eux, etc.

On peut, je crois, égayer Sa Majesté de ces balivernes, qui ne courront point.

J’eus l’honneur de vous envoyer hier de nouveaux essais de la fête[4] ; mais il y en a bien d’autres sur le métier. Il ne s’agit que de voir avec Rameau ce qui conviendra le plus aux fantaisies de son génie. Je serai son esclave pour vous faire voir que je suis le vôtre ; mais, en vérité, vous devriez bien mander à Mme de Pompadour autre chose de moi que ces beaux mots : Je ne suis pas trop content de son acte. J’aimerais bien mieux qu’elle sût par vous combien ses bontés me pénètrent de reconnaissance, et à quel point je vous fais son éloge ; car je vous parle d’elle comme je lui parle de vous, et, en vérité, je lui suis très-tendrement attaché, et je crois devoir compter sur sa bienveillance autant que personne. Quand mes sentiments pour elle lui seraient revenus par vous, y aurait-il eu si grand mal ? Ignorez-vous le prix de ce que vous dites et de ce que vous écrivez ? Adieu, monseigneur, mon cœur est à vous pour jamais.

Il n’y a qu’une voix sur la beauté et la grandeur du sujet, et je ne sais rien de si convenable et de si heureux.

  1. C’est le huitième vers des stances dont il est question dans la note 1 de la page 361.
  2. Frédéric avait gagné la bataille de Friedberg le 4 juin.
  3. Voyez, tome X, l’épitre qui commence par ces vers.
  4. Le Temple de la Gloire ; voyez tome IV, page 348.