Correspondance de Voltaire/1745/Lettre 1736

Correspondance de Voltaire/1745
Correspondance : année 1745GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 371-372).

1736. — À M. DE CIDEVILLE.
Mercredi matin, 9 juin.

Après avoir travaillé toute la nuit, mon cher ami, à mériter vos éloges et votre amitié par les efforts que je fais, après avoir poussé notre Bataille jusqu’à près de trois cents vers, y avoir jeté un peu de poésie, fait un Discours préliminaire, et ayant surtout profité de vos avis, il faut prendre du café ; et c’est en le prenant que je rends compte de tout ce que je fais.

Je viens de recevoir du roi la permission de faire imprimer l’épître dédicatoire dont je lui avais envoyé le modèle. Il faut courir chez l’imprimeur ; j’y serai jusqu’à une heure précise. Si vous étiez assez aimable pour vous y rendre, vous m’y donneriez de nouveaux conseils, et je vous aurais de nouvelles obligations. Je partirai ensuite pour Champs. Est-ce que je n’aurai jamais le plaisir de passer quelques jours tranquillement avec vous à la campagne ?

Venez chez Prault[1], quai de Gèvres, je vous en prie ; j’ai beaucoup à vous parler.

Je ne crois pas que la petite satire du chevalier de Saint-Michel[2], qui, en style d’huissier-priseur, prétend que j’adjuge les lauriers selon mon caprice, plaise beaucoup à M. de Richelieu, à MM. de Luxembourg, de Soubise, d’Aïen, etc., etc., et à tous ceux que j’ai mis dans mes caquets. Ils m’ont tous fait l’honneur de me remercier mais je ne pense pas qu’ils le remercient.

Sa Majesté a entre les mains tout mon ouvrage ; elle daigne en être contente. Je souhaite que vous le soyez. Je vous embrasse tendrement, et j’attends vos vers avec plus d’impatience que l’édition des miens. Votre éternel ami, etc.

Voltaire.

  1. Voltaire avait donné à ce libraire le Poëme de Fontenoy, dont dix mille exemplaires furent vendus en dix jours.
  2. Roi. À cette époque, il parut une foule de brochures, soit en prose, soit en vers, relativement à la bataille de Fontenoy, et pour ou contre Voltaire. La Bibliothèque historique de la France en cite la majeure partie dans le n° 24667. Une de ces brochures, facétieusement intitulée Requête du curé de Fontenoy, fut d’abord attribuée au poëte Roi ; mais elle est de l’avocat Marchand. Le curé de Fontenoy y disait :
    Un fameux monsieur de Voltaire
    M’a fait surtout les plus grands torts,
    En donnant l’extrait mortuaire
    De tous les seigneurs qui sont morts.
    Voltaire en cite trois autres vers dans la lettre 1739.