Correspondance de Voltaire/1745/Lettre 1734

Correspondance de Voltaire/1745
Correspondance : année 1745GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 369-370).

1734. — À M. LE COMTE ALGAROTTI[1],
à berlin.
Parigi, 4 giugno.

Mi lusingava, caro mio ed illustrissimo amico, d’aver ricuperata la mia sanità, e già ero tutto apparecchiato a seguire il mio rè in Fiandra. Forse avrei avuto, o almen creduto avere la forza di fare un più gran viaggio, e di vedervi ancora una volta nella corte dell’Augusto moderno, ed avrei detto


Quivi il famoso Egon di lauro adorno
Vidi poi d’ostro, e di virtù pur sempre ;
Sicchè Febo sembrava ; ond’io devoto
Al suo nome sacrai la cetra e’l core.

Ma sono ricaduto, e cosi trapasso la mia misera vita tra alcuni raggi di sanità, e più notti di dolori e di svogliatezza. Vivete pur felice voi, a cui la natura diede cio che aveva concesso a Tibullo :


Gratia, fama, valetudo contingit abunde.

(Hor., lib. I, ep. iv, v. 10.)
Vivete tra il gran Federigo, ed il filosofo Maupertuis ; non sarete mai per dire come Marini :

Tutto fei, nulla fui ; per cangiar foco,
Stato, vita, pensier, costumi e loco ;
Mai non cangio fortuna.

La vostra fortuna è degna di voi, e la mia sarebbe molto innalzata sopra il mio merito, e mi sarebbe troppo felice se questa madrigna di natura non avesse mescolato il suo veleno con tante dolcezze.

Farewell, good sir. La marchesa Newton[2] vous fait les plus sincères compliments ; permettez-moi de vous supplier de faire les miens à ceux qui daignent se souvenir un peu de moi à Berlin.

  1. Algarotti, créé comte par le roi de Prusse en 1741, fut, en 1745, nommé par Frédéric-Auguste II, roi de Pologne, électeur de Saxe, son conseiller intime de guerre. (B.)
  2. Traduction : Je me flattais, mon cher et illustre ami, d’avoir recouvré la santé, et j’étais déjà tout prêt à suivre mon roi en Flandre. Peut-être aurais-je eu ou du moins cru avoir la force de faire un plus grand voyage, et de vous voir encore une fois dans la cour du moderne Auguste, et aurais-je dit :

    Là j’ai vu le fameux Égon orné de lauriers
    Et de pourpre, et principalement de vertu,
    Tellement qu’il était semblable à Phébus. Aussi avec dévotion
    Je consacrai à son nom ma lyre et mon cœur.

    Mais je suis retombé malade, et ainsi je passe ma misérable vie entre quelques rayons de santé et de longues nuits de souffrance et de dégoût. Vivez cependant heureux, vous à qui la nature a donné ce qu’elle avait accordé à Tibulle :

    Gratia, fama, etc.

    Vivez entre le grand Frédéric et le philosophe Maupertuis ; vous ne serez jamais à même de dire avec Marini :

    J’ai pu changer de maison,
    D’état, d’existence, de pensées, d’habitudes, de lieu,
    Mais je n’ai point changé de fortune.

    Votre fortune est digne de vous, et la mienne serait beaucoup au-dessus de mon mérite, et je serais trop heureux si cette marâtre de nature n’avait mêlé son poison à tant de douceurs.

    Farewell, good sir (adieu, bon monsieur). La marquise Newton (du Châtelet), etc.