Correspondance de Voltaire/1745/Lettre 1699

Correspondance de Voltaire/1745
Correspondance : année 1745GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 344-345).

1699. — À M. LE MARQUIS D’ARGENSON.
Le 8 février.

Je vous renvoie, monseigneur, le manuscrit que vous avez bien voulu me confier. L’auteur n’a pas la courte haleine s’il prononce, sans respirer, ses périodes. C’est un peu se moquer du monde que de dire que ce duc co-régent[1] n’aurait pas où reposer son chef s’il devenait veuf ; il aurait l’administration des pays héréditaires de la maison d’Autriche, jusqu’à la majorité du duc, qui serait bientôt roi des Romains. Je suis sûr que vous direz de meilleures raisons aux électeurs.

Je suis bien fâché contre la Princesse de Navarre, qui m’empêche de vous faire ma cour. M. Racine fut moins protégé par MM. Colbert et Seignelai que je ne le suis par vous. Si j’avais autant de mérite que de sensibilité, je serais en belle passe.

La charge de gentilhomme ordinaire ne vaquant presque jamais, et cet agrément n’étant qu’un agrément, on y peut ajouter la petite place d’historiographe ; et, au lieu de la pension attachée à cette historiographerie, je ne demande qu’un rétablissement de quatre cents livres. Tout cela me parait modeste, et M. Orry[2] en juge de même. Il consent à toutes ces guenilles.

Daignez achever votre ouvrage, monseigneur, et vous aboucher avec M. de Maurepas. Je compte avoir l’honneur de vous remercier incessamment, et de vous renouveler mes très-tendres respects et ma vive reconnaissance.

  1. François-Étienne de Lorraine, grand-duc de Toscane en 1737, co-régent des États autrichiens en 1741, empereur d’Allemagne en septembre 1745 ; voyez tome XIII, page 614.
  2. Philbert Orry, contrôleur général des finances depuis le 20 mars 1730, donna sa démission en novembre 1745, et mourut en novembre 1747, âgé d’environ cinquante-neuf ans.