Correspondance de Voltaire/1744/Lettre 1645

Correspondance de Voltaire/1744
Correspondance : année 1744GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 287-288).

1645. — À M. LE DUC DE RICHELIEU.
Ce 24 avril.

Colletet envoie encore ce brimborion au cardinal-duc. Cette rapsodie le trouvera probablement dans un camp entouré d’officiers, et vis-à-vis de vilains Allemands qui se soucient fort peu des amours du duc de Foix et de la princesse de Navarre. Mais votre esprit agile, qui se plie à tout, trouvera du temps pour songer à votre fête. Vous serez comme Paul-Émile, qui, après avoir vaincu Persée, donna une fête charmante, et dit à ceux qui s’étonnaient de la fête et du souper : « Messieurs, c’est le même esprit qui a conduit la guerre et qui a ordonné la fête. »

Pour moi, monseigneur le duc, je crois, avec la dame de Cirey, que vous ne haïrez pas ce duc de Foix, qui fait la guerre, qui est amoureux, qui est fourré tout jeune dans les affaires, qui combat pour sa maîtresse, qui la gagne à la pointe de l’épée, qui a de l’esprit, et qui berne les Morillo. Si vous êtes content, voulez-vous envoyer ce premier acte à Rameau ? Il sera bon qu’il le lise, afin que sa musique soit convenable aux paroles et aux situations ; et, surtout, qu’il évite les longueurs dans la musique de ce premier acte, parce que ces longueurs, jointes aux miennes, feraient ce premier acte éternel. J’attends vos ordres sur le divertissement du second acte que je vous ai envoyé, il y a huit jours. Mme du Châtelet vous fait ses plus tendres compliments. C’est à vous et à messieurs les généraux à me fournir à présent le prologue. Adieu, monseigneur revenez brillant de gloire et de santé. J’attendrai avec bien de l’impatience le plaisir de vous dire ce que je vous dis depuis près de trente ans, que je vous suis dévoué avec le plus tendre respect ; j’y ajoute la plus vive reconnaissance.