Correspondance de Voltaire/1744/Lettre 1639

Correspondance de Voltaire/1744
Correspondance : année 1744GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 277-278).

1639. — À M. PALLU,
intendant, à lyon.
Le 20 février.

Béni soit, monsieur, l’Ancien Testament, qui me fournit l’occasion de vous dire que de tous ceux qui adorent le Nouveau il n’y a personne qui vous soit plus attaché que moi. L’un des descendants de Jacob, honnête fripier, comme tous ces messieurs, en attendant le Messie très-fermement, attend aussi votre protection, dont il a dans ce moment plus de besoin.

Les gens du premier métier de saint Matthieu, qui fouillent les juifs et les chrétiens aux portes de votre ville, ont saisi je ne sais quoi, dans la culotte d’un page israélite, appartenant au circoncis[1] qui aura l’honneur de vous remettre ce billet en toute humilité.

Permettez-moi de joindre mes Amen aux siens. Je n’ai fait que vous entrevoir à Paris, comme Moïse vit Dieu[2] ; il me serait bien doux de vous voir face à face, si le mot de face est fait pour moi. Conservez, s’il vous plaît, vos bontés à votre ancien et éternel serviteur, qui vous aime de cette affection tendre, mais chaste, qu’avait le religieux Salomon pour les trois cents Sunamites.

  1. Un juif, habitant de Genève, informé par son commis qu’on lui avait saisi, à Lyon, les effets dont il était porteur, se rappela qu’il avait eu occasion de rendre un petit service à Voltaire : il parla de son affaire à celui-ci, et réclama sa protection. C’est ce qui provoqua cette lettre, au moyen de laquelle l’israélite obtint la restitution des objets saisis.
  2. Exode, ch. xxxiii, v. 11.