Correspondance de Voltaire/1740/Lettre 1321
Sire, dans cette troisième[1] lettre, je demande pardon à Votre Majesté des deux premières qui sont trop bavardes.
J’ai passé cette journée à consulter les avocats et à faire traiter sous main avec Van Duren. J’ai été procureur et négotiateur. Je commence à croire que je viendrai à bout de lui ; ainsi de deux choses l’une : ou l’ouvrage sera supprimé à jamais, ou il paraîtra d’une manière entièrement digne de son auteur.
Que votre Majesté soit sûre que je resterai ici, qu’elle sera entièrement satisfaite, ou que je mourrai de douleur. Divin Marc-Aurèle pardonnez à ma tendresse. J’ai entendu dire ici secrètement que Votre Majesté viendrait à la Haye. J’ai de plus entendu dire que ce voyage pourrait être utile à ses interêts.
Vos intérêts, sire, je les chéris sans doute ; mais il ne m’appartient ni d’en parler ni de les entendre.
Tout ce que je-sais, c’est que si Votre Humanité vient ici, elle gagnera les cœurs, tout hollandais qu’ils sont. Votre Majesté a déjà ici de grands partisans.
J’ai dîné ici, aujourd’hui, avec un député de Frise, nommé M. Halloy, qui a eu l’honneur de voir Votre Majesté à l’armée, qui compte lui faire sa cour à Clèves, et qui pense sur le Marc-Aurèle du Nord comme moi. Ô que je vais demain embrasser ce M. Halloy ! Aujourd’hui M. de Fénelon[2]…