Correspondance de Voltaire/1739/Lettre 1196

Correspondance de Voltaire/1739
Correspondance : année 1739GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 324-325).

1196. — À MADEMOISELLE QUINAULT.
Samedi, septembre 1739, à l’hôtel Richelieu.

Adorable Thalie, j’ai une pièce de résistance à vous donner, et vous me demanderiez de la crème fouettée ! J’ai relu Mahomet, j’ai relu Zulime ; cette Zulime est bien faible, et l’autre est peut-être ce que j’ai fait de moins mal. J’espère que la bonne foi avec laquelle je condamne mon Africaine servira à faire passer le peu de bien que j’ose penser de mon prophète.

Enfin voilà Mahomet. Lamare, qui a su ce secret comme il avait extorqué celui de l’Enfant prodigue, nous gardera la même fidélité ; il l’a lu, il s’y connaît : je le pense ainsi, car il en est tout enthousiasmé, et il espère un long succès.

Vous craignez les horreurs : eh bien ! chef aimable de mon conseil, pourquoi donner de suite Atrèe, Œdipe et Mahomet ? N’avez-vous pas des Bérénices et des Zaïres ? Et s’il arrivait un malheur à la Palmire, où serait le mal de donner l’Alzire, et de garder Œdipe pour la rentrée de Pâques ?

Décidez, je m’en remets à vous ; nul que vous n’aura le manuscrit. Ne le laissez jamais un quart d’heure entre les mains de Minet ; il ne manque jamais d’en faire des copies, et de les vendre aux comédiens de campagne.

Sachez, ma belle Thalie, qu’en vous envoyant mon prophète, je corrigerai encore beaucoup ; mais je corrigerai bien davantage quand j’aurai reçu vos avis. Vous savez que vous êtes mon oracle.

Je suis à vos pieds. V.