Correspondance de Voltaire/1739/Lettre 1175

Correspondance de Voltaire/1739
Correspondance : année 1739GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 297).

1175. — À M. THIERIOT.
Enghien, le 30 juin.

Vous devriez bien me mander des nouvelles de votre santé et de la république des lettres. Avez-vous encore un Smith[1] ?

Il y a un Gordien d’Afrique dans les médailles dont je vous ai parlé ; informez-en l’abbé de Rothelin, je vous en prie.

Je vous écris d’une maison dont Rousseau a été chassé pour jamais, en juste punition de ses calomnies. Je vous dirais bien des choses, mais je suis encore tout malade d’un saisissement qui me fit presque évanouir, en voyant tomber à mes pieds, du haut d’un troisième étage, deux charpentiers que je faisais travailler. Je m’avisai avant-hier, à Bruxelles, de donner une fête à Mme du Châtelet, à Mme la princesse de Chimai[2] et à M. le duc d’Aremberg. Figurez-vous ce que c’est que de voir choir deux pauvres artisans, et d’être tout couvert de leur sang. Je vois bien que ce n’est pas à moi de donner des fêtes. Ce triste spectacle corrompit tout le plaisir de la plus agréable journée du monde. Je regrette beaucoup celles que je passais avec vous à Cirey, et je compte vous revoir à Paris, l’hiver prochain.

Mes compliments, je vous prie, aux êtres pensants qui pensent à moi, surtout à sir Isaac[3].

  1. C’est sans doute Robert Smith, physicien anglais cité par Voltaire dans une lettre du 18 septembre 1740, à Maupertuis.
  2. Charlotte de Rouvroi, née en 1696, fille du duc de Saint-Simon si connu par ses Mémoires et sa vanité nobiliaire ; mariée, en 1722, à Charles-Louis-Antoine Galéas de Hennin-Bossu, prince de Chimai, parent du duc Leopold-Philippe d’Aremberg. (Cl.)
  3. Prénom de Newton donné ici à Maupertuis.