Correspondance de Voltaire/1739/Lettre 1172
Si mes sentiments décidaient de mes marches, je serais allé à Maestricht à la réception de votre lettre, mon cher ami ; je vous aurais embrassés tous deux[2] ; j’aurais été témoin de votre nouvel établissement ; j’aurais raisonné avec vous sur vos nouvelles vues. J’ai fait ce que j’ai pu pour partir ; mes amis me retiennent ; on ne veut plus me laisser aller. Nous avons perdu une belle occasion dans la ville de Beringen : nous n’étions qu’à huit lieues. Réparons donc ce contre-temps, et que j’aie la consolation de vous voir. Vous allez, dites-vous, dans les pays chauds ; mais qui sont-ils, ces pays ? Est-ce la Provence, l’Italie, ou l’Asie, ou l’Afrique ? Partout où vous serez, vous ferez honneur à l’esprit humain. Avant votre départ, ne pourrions-nous pas nous voir à Saint-Tron ? C’est la moitié du chemin ; pouvez-vous vous arranger pour y être dans huit ou dix jours[3] ? · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
Je ne puis concevoir ce qui leur a donné la rage de se servir contre moi de mes bienfaits : leur imbécillité a été dirigée par quelqu’un de bien méchant. Vous me feriez un grand plaisir d’écrire sur cela fortement à vos correspondants.
Si vous avez besoin de quelques pièces fugitives pour vos journaux, je suis à votre service.
Ce malheureux Rousseau est ici, mais il est toujours chassé de chez M. le duc d’Aremberg, en punition de ses calomnies. Je donne demain un grand souper à M. le duc d’Aremberg : Rousseau n’y sera pas ; mais je voudrais bien que vous y fussiez. Adieu. Faites toujours honneur aux belles-lettres, et ayez autant d’envie de me voir que j’en ai de vous embrasser.