Correspondance de Voltaire/1739/Lettre 1108

Correspondance de Voltaire/1739
Correspondance : année 1739GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 221-222).

1108. — À M. L’ABBÉ MOUSSINOT[1].
Du 19 (mars 1739).

Voici, mon cher abbé, mon certificat de vie pour toucher ma pension viagère sur la Ville, de l’année 1738.

Vous me mandez que vous avez fait recette depuis le mois de septembre de 31,586 livres, et que vous avez déboursé 14,410 livres. Donc, dites-vous, il vous reste 21,500 livres ; ce donc là me parait peu arithmétique, car avec un donc il ne doit rester que 17,174[2] livres ; mais apparemment qu’il ressort 4,326 livres au mois de septembre ; peu importe : c’est ce qu’on possède qui importe.

Je voudrais bien que M. de Lézeau nous donnât une bonne délégation sur l’un de ses fermiers, afin qu’on ne fût plus obligé de lui faire la cour pour le faire payer. À l’égard des autres rentes échues, elles viendront petit à petit. Il y a un M. de Goesbriant qui me néglige terriblement. Il me doit bientôt neuf années, cela est fort.

J’enverrai la décharge à monsieur votre frère quand vous voudrez, et de la façon que vous voudrez ; mais comment voulez-vous que, n’étant chargé de rien, et ayant seulement prêté son nom, il soit tenu de quelque chose ? Ni vous ni lui ne pouvez être recherchés : vos livres ne font-ils pas foi ? Comment d’ailleurs voulez-vous que je le décharge d’un argent qu’il n’a pas donné ? Voyez cependant, et dictez-moi cette décharge qui me paraît une pièce hors-dœuvre, puisque ou il a reçu et recevra encore, et en ce cas votre livre suffit ; ou il n’a point reçu et ne recevra point, et en ce cas il n’a point de décharge à demander. Je crois donc qu’il vaut mieux qu’il ait un billet par lequel je déclarerai que, quoiqu’il ait ma procuration, cependant il n’est que votre prête-nom ; que vous voulez bien avoir la bonté de conduire mes petites affaires, et que je m’en rapporte uniquement à vos livres, ou à votre parole, au défaut de vos livres, priant mes héritiers de s’en rapporter uniquement à votre parole. C’est ce que j’ai déjà bien expressément établi dans mon testament, et ce que je vous enverrai signé quand vous voudrez.

Une partie de l’argent que nous avons servira à notre voyage qui se prépare ; l’autre, à acheter des meubles pour le palais Lambert, que nous achèterons dans quelques années. Ainsi quand vous trouverez quelque emploi qui vous plaira, vous pouvez avertir votre ami et votre serviteur V., qui vous aime tendrement.

M. le marquis du Châtelet me mande toujours qu’il va finir mon affaire avec Desfontaines ; mais elle ne finit point. Ne perdons point nos preuves.

Donnez donc encore cent livres au chevalier de Mouhy, mais dites-lui que c’est tout ce que vous avez, et demandez-lui bien pardon du peu : après tout, cela lui fera plaisir.

Je vous en conjure, deux cents livres à Prault et pour vingt mille livres de compliments.

Je vous embrasse.

  1. Édition Courtat.
  2. Non : 17,176.