Correspondance de Voltaire/1739/Lettre 1085

Correspondance de Voltaire/1739
Correspondance : année 1739GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 189-190).

1085. — À M. DEVAUX[1].

Je vous ai aimé depuis que je vous ai connu, monsieur, et vos mœurs aimables m’ont charmé pour le moins autant que vos talents. Je reconnais les bontés pleines d’attention de Mme de Graffigny au soin qu’elle a eu de vous envoyer une lettre que je reçus de Mme de Bernières il y a quelque temps. Cette lettre détruisait, en effet, les calomnies infâmes que le malheureux abbé Desfontaines avait vomies contre moi, La justice s’est mêlée du soin de le punir, et le lieutenant de police procède actuellement contre lui. Je crois bien qu’il sera difficile de le convaincre, et qu’il échappera à la rigueur des lois ; mais il essuiera le châtiment que le public prononce toujours contre les ingrats et contre les calomniateurs : ce châtiment, c’est l’exécration où il est ; et, quelque abîmé qu’on soit dans le crime, on est toujours sensible à cette punition. Pour moi, je suis plus flatté de votre suffrage qu’il ne peut être accablé par la haine publique.

Mme de Graffigny est actuellement[2] dans une ville qui est le rendez-vous des talents, et où vous devriez être. Dès que j’aurai mis au net quelques-uns des ouvrages dont vous me parlez, je ne manquerai pas de vous en faire part. J’ambitionne votre suffrage et votre amitié, et c’est dans ces sentiments, monsieur, que je serai toujours bien véritablement votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Voltaire.

  1. Devaux, cité plus haut comme lecteur du roi de Pologne Stanislas, lettre 1018, dans la note relative à Mme de Graffigny, son amie d’enfance, naquit à Lunéville et fut membre de l’académie de Nancy. On a de lui une comédie en un acte, en prose, jouée au Théâtre-Français en 1752, sous le titre de : les Engagements indiscrets. Il avait reçu, étant jeune, le surnom de Panpan, et c’est ainsi que l’appelle souvent Mme de Graffigny dans ses lettres. Voltaire lui donne le même surnom de société dans quelques lettres de 1750 et de 1751 ; et c’est aussi de cette manière que Devaux est désigné dans plusieurs petites pièces du chevalier de Boufflers.
  2. Mme de Graffigny, comme nous l’avons déjà dit (voyez lettre 1018), avait quitté Cirey vers le 10 février 1739, après y être demeurée environ neuf semaines, et était allée à Paris.