Correspondance de Voltaire/1739/Lettre 1058

Correspondance de Voltaire/1739
Correspondance : année 1739GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 157-158).

1058. — À M. PAGEAU[1].
À Cirey, ce 5 février.

Je reconnais, monsieur, l’ancien ami de mon père et de toute ma famille à la bonté avec laquelle vous vous intéressez en ma faveur, au sujet de cet infâme libelle de l’abbé Desfontaines. Je suis bien loin de demander ni acte par-devant notaire, ni mention sur les registres des avocats, ni rien d’approchant. Mais il serait infiniment flatteur pour moi que je pusse obtenir seulement une lettre de votre bâtonnier et de quelques anciens, par laquelle on marquerait qu’après s’être informé à tous les avocats de Paris, ils avaient tous répondu qu’il n’y en avait aucun de capable de faire un si infâme libelle. Si on pouvait ajouter un mot en ma faveur, j’en serais plus honoré mille fois que je ne suis affligé des insultes d’un scélérat comme Desfontaines. Au reste, l’honneur qu’on daignerait me faire ne tomberait, monsieur, que sur un homme pénétré d’estime et de respect pour votre profession, et qui se repent tous les jours de ne l’avoir point embrassée. Mais, monsieur, dans cette profession, il n’y a personne que j’honore plus que vous, et dont j’ambitionne plus l’amitié et le suffrage. Je suis, monsieur, avec une estime infinie, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

P. S. Ne pourrais-je point, par le moyen de quelques conseillers au parlement de mes amis, demander qu’on fasse brûler le libelle ? Le bâtonnier ne pourrait-il pas le requérir lui-même ? Il me semble qu’il y en a des exemples, et qu’on pourrait, au nom du corps des avocats, en requérir le châtiment comme d’un libelle scandaleux, imputé aux avocats.

  1. C’est à tort que les éditeurs de cette lettre, MM. de Cayrol et François, la croient adressée à M. Deniau. Ils ont confondu ce bâtonnier de l’ordre des avocats avec l’avocat Pageau. ( G. A.)