Correspondance de Voltaire/1738/Lettre 970

Correspondance de Voltaire/1738
Correspondance : année 1738GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 54-55).
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970. — À M. LE MARQUIS D’ARGENS[1].
À Bar-le-Duc, ou tout auprès, ce 27 novembre.

Dans votre vie cachée, un solitaire comme vous ne devrait pas oublier un autre solitaire qui l’a toujours aimé, et l’ermite Anloine devrait bien se souvenir de l’ermite Paul. J’apprends que vous donnez une espèce de journal littéraire que Desbordes imprime. Je serai peut-être en état, tout reclus que je suis, de vous fournir de bons mémoires, et ce sera de grand cœur. Vous savez que je m’intéresse à tous vos succès, et que je vous ai aimé dès que je vous ai connu.

Vous avez bien raison de m’écrire de me défier des Ledet ou plutôt des gens qui les conduisaient. Ces messieurs ont abusé de tous mes bienfaits, et m’ont payé de la plus grande ingratitude. Je voulais vous écrire depuis longtemps ; mais M. Prévost me disait que vous étiez en Suisse et qu’il ne savait pas votre demeure. Il m’a lui-même sacrifié aux Ledet, et depuis longtemps il ne m’écrit plus, quoique j’aie toujours été prêt à lui rendre service. Son oubli ne m’empêcbe pas de compter sur votre amitié.

Je vous prie d’écrire un petit mot à votre ami d’Artigny, chez le sieur Excelmans, à Bar-le-Duc ; il vous fournira des matériaux pour bâtir le bel édifice littéraire auquel vous travaillez. Il voudrait pouvoir contribuer à votre bonheur comme à vos travaux. Vale.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.