Correspondance de Voltaire/1738/Lettre 1000

Correspondance de Voltaire/1738
Correspondance : année 1738GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 84).
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1000. — DE JORE.
À Paris, le 30 décembre 1738.

Monsieur, j’ai déjà eu l’honneur de vous écrire, le 20 du présent mois, dans l’amertume de mon cœur, pour vous demander pardon, et pour vous marquer le sincère repentir que j’éprouve du procès injuste que votre ennemi (que vous connaissez[1]) m’avait engagé de vous intenter. Je vous ai déjà marqué mon regret, et l’horreur que j’ai d’avoir attaqué si cruellement celui qui était mon bienfaiteur. Je vous disais que j’avais reconnu l’erreur où l’on m’avait mis. Soyez sur monsieur, que mon affliction est égale à ma faute. Daignez, monsieur, pousser votre générosité jusqu’à m’accorder le pardon que j’ose vous demander. Je désavoue le factum injuste et calomnieux que l’on a mis sous mon nom, et que j’ai eu le malheur de signer. J’étais aveuglé ; on m’a séduit. Je vous le répète encore, j’en suis au désespoir. J’en ai tombé malade. Il n’y a rien que je ne fasse, le reste de ma vie, pour réparer ma faute. Enfin, monsieur, si vous étiez témoin de mon affliction d’avoir été trompé par de mauvais conseils, vous auriez pitié de mon état. Ayez la bonté au moins de me faire dire que vous avez celle de me pardonner, si vous ne daignez m’écrire de votre main. Je payerais tous les frais du procès si j’avais de l’argent, et il n’y a rien que je ne fasse, tout le reste de ma vie, pour vous témoigner en particulier et en public le repentir, l’admiration pour votre caractère, et le très-profond respect avec lequel je suis, monsieur, votre très-humble, etc.

Jore

  1. Desfontaines.