Correspondance de Voltaire/1737/Lettre 774

Correspondance : année 1737GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 34 (p. 307-309).
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774. — À M. L’ABBÉ MOUSSINOT[1].
Ce 17 (auguste 1737).

En réponse à vos dernières du 9 et du 14.

J’ai reçu, mon cher abbé, la rescription de deux mille quatre cents livres, et j’attends les caisses qui doivent arriver par Bar-sur-Aube,

Je ne savais pas la commission établie pour la liquidation des dettes de M. de Guise. Tout ce que je sais, c’est que l’on doit absolument poursuivre cette affaire par les voies que le roi a ouvertes. Je ne veux pas que l’on reçoive rien de M. de Guise. Il faut s’adresser à M. de Machault ou à son secrétaire. Je vous prie très-instamment de parler ou faire parler à l’un et à l’autre.

Il faut représenter que j’ai prêté mon argent comptant ; qu’une rente viagère doit être sacrée ; qu’on m’en doit trois années ; que M. le prince de Guise m’a toujours caché l’établissement de cette commission ; en un mot, après avoir représenté mon droit, et la lésion que je souffre, vous me manderez la réponse, et vous agirez comme il conviendra en justice. Je ne crois pas qu’une commission établie par le roi soit établie pour frustrer des créanciers. Au contraire, je me flatte surtout que les rentes viagères doivent être exceptées des lois les plus favorables aux débiteurs de mauvaise volonté.

Il faut surtout savoir si cette commission regarde les rentes viagères, si elle n’est point établie pour la liquidation des biens de feu Mme de Guise.

Il se peut très-bien encore que, malgré cette commission, on puisse saisir entre les mains des fermiers généraux, sauf à rapporter cette saisie à la commission.

Je vous supplie, mon cher abbé, de m’instruire à fond de tout cela. À l’égard des onze mille livres qui nous restent, nous les emploierons bientôt.

C’est la table des trente tomes de l’Histoire française de l’Académie des sciences, par M. de Fontenelle, que j’ai toujours demandée, et il faut bien qu’on la vende à part, puisque cette table n’a été imprimée qu’après ces trente tomes, et que, depuis ces trente tomes, on en a encore cinq. Certainement il y a cinq ans que ceux qui avaient ces trente tomes ne pouvaient avoir la table.

Si vous voyez celui qui vous a fourni nos thermomètres, je vous prie de lui dire que l’huile bouillante a fait péter un de ces instruments, non pas parce que la boule s’est cassée, mais parce que la liqueur du thermomètre en bouillant elle-même, s’est élevée et a cassé le haut du tube.

Dites-lui qu’il est triste qu’on ne puisse avec ces thermomètres d’esprit-de-vin connaître les diverses chaleurs des différentes liqueurs bouillantes, et qu’il devrait faire des thermomètres de mercure, pareils à ceux de Fahrenheit. Je ne peux que très-difficilement faire mes expériences avec ceux de M. de Réaumur.

De plus, l’esprit-de-vin dont on se sert n’est peut-être pas le même dans tous les thermomètres. Quand il serait le même, il se raréfie toujours inégalement et par sauts ; enfin l’esprit-de-vin, bouillant plus vite et plus aisément que toute autre liqueur, ne peut guère servir de mesure au degré de chaleur de ces liqueurs. Le mercure, au contraire, est de tous les fluides celui qui bout le plus lentement, et, comme le bouillonnement est toujours le dernier degré, le terme de la plus grande chaleur d’un fluide, le mercure qui bout si difficilement ( ? ) lieu à connaître les degrés de chaleur des autres fluides qui bouillent plus vite.

Si cette personne peut faire des thermomètres de Fahrenheit, il rendra service à la physique.

Je vous prie de continuer à rendre service à mes affaires, en pressant l’affaire de M. de Guise ;

En vous arrangeant avec l’intendant de M. de Richelieu ;

En n’abandonnant point celle de M. de Lézeau ;

En faisant assigner Demoulin au mois de septembre. Adieu, mon très-cher abbé ; notre chimiste[2] se moque du monde,

  1. Édition Courtat.
  2. Le chimiste-aumonier, dont il est question dans les lettres 768, 769, 771, 772.