Correspondance de Voltaire/1737/Lettre 765

Correspondance : année 1737GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 34 (p. 292-294).
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765. À M. L’ABBÉ MOUSSINOT[1].
Ce (juillet 1737).

Je reçois votre lettre du 3 juillet, mon cher ami.

1° À l’égard de Demoulin, ou vous avez mon titre contre lui, ou il est entre les mains du sieur Robert, ou il est chez le sieur Ballot, notaire, rue Saint-Honoré, au coin du Carrousel.

Voici la réponse à la lettre de la Demoulin. Je vous prie cependant de la faire presser un peu.

2° Pour l’intendant de M. de Richelieu, je crois qu’il est bon de lui écrire pour terminer l’affaire.

3° Je vois, par la date des soixante-douze livres données au sieur Robert, qu’il a compté pour des frais chimériques cet argent qu’il nous demande. Il n’était point chargé alors de faire assigner les débiteurs de Demoulin, puisque cette quittance de soixante-douze livres est du 18 de juillet, et que l’affaire de Demoulin était totalement consommée le dernier juin ; mais il n’en faut plus parler.

4° Il faudra que monsieur votre frère n’aille jamais chez M. de Goesbriant, mais qu’il lui écrive tous les huit jours, jusqu’à réponse définitive.

5° Je compte qu’on a écrit à M. le prince de Guise pour la délégation sur les fermes générales.

6° Jacques Ferrand, banquier et courtier à Amsterdam, est très-solvable et très-honnête homme. Il me mande que dix mille cent cinquante florins, argent courant, doivent me valoir plus de vingt mille huit cents livres. C’est de quoi il faudra se débattre avec M. Delarue.

7" J’attends la caisse avec impatience, mais je vous prie instamment de m’envoyer par le carrosse de Bar-sur-Aube, sans aucun délai, MAriotte, De la Nature de l’air ; idem, Du Froid et du Chaud ; Boyle, De Ratione inter ignem et flammam : difficile à trouver, c’est l’affaire de votre frère ; un dictionnaire latin où se trouvent les termes des arts, s’il y en a.

8° Un louis de gratification à d’Arnaud ; mais dites-lui que je ne suis point à Cirey, que ma santé est languissante, et que je n’écris à personne.

9° Je suppose que vous m’avez gardé le secret avec M. Grosse et avec M. Geoffroy, et que vous ne m’avez jamais nommé en proposant mes questions de physique. Je vous prie de ne me jamais nommer.

Avec cet incognito, je vous prie d’aller faire encore une petite consultation à ce gnome de Grosse. C’est un homme bien au fait. Il faut tirer de lui :

1° S’il croit que le feu pèse, et si les expériences faites par M. Homberg et autres, qui semblent prouver que le feu est entré dans les matières calcinées et en a augmenté le poids, si ces expériences, dis-je, doivent l’emporter sur celle du fer rouge et refroidi qui pèse toujours également ; proposez-lui ce petit problème ;

2° Si le miroir ardent du Palais-Royal fait le même effet sur les matières mises dans l’air libre et dans le vide de la machine pneumatique. Il faudrait sur cela le faire entrer dans quelques détails, lui demander les effets des rayons du soleil dans ce vide sur la poudre à canon, sur les liqueurs, sur les métaux, prendre un petit nota de ce qu’il vous dirait, et lui demander si le phosphore de Boyle, si le phosphore igné, s’allument dans le vide ; enfin s’il a vu du bon naphte de Perse, et s’il est vrai que ce vrai naphte brûle dans l’eau. Vous voilà, mon cher abbé, archi-physicien. Je vous lutine furieusement, car j’ajoute encore que le temps me presse.

Vous pourriez aussi le consulter pour savoir où l’on trouverait un thermomètre de Fahrenheit. Ce n’est pas tout : il faut lui dire que dans la Chimie de Boerhaave, à la page 194, édition in-4o il est parlé d’expériences faites clarissimo Boulducio, par lesquelles la légèreté spécifique du feu semble prouvée ; mais ces expériences sont probablement de Boulduc le père. Elles sont rapportées dans l’histoire latine de l’Académie, de Duhamel, pages 14 et 15. Si M. Grosse a cette histoire, vous auriez la bonté de copier le précis de ces expériences. Je devrais avoir cette histoire latine de Duhamel, pour joindre à celle de M. de Fontenelle. Il faut donc, je vous en prie, l’acheter et l’envoyer avec le reste.

Il me faut aussi le traité du fer de M. de Réaumur, qui était parmi mes Mémoires de l’Académie. Si on l’a vendu, il faut le racheter.

Encore un mot pour M. Grosse, c’est pour savoir ce qu’il pense de la Chimie de Boerhaave, et surtout pour qu’il ignore que je suis au monde.

Réponse prompte, mon cher abbé.

Pardon, j’ai encore un petit mot à ajouter pour le secrétaire que vous m’envoyez. Il faudrait qu’il fût monté sur de petites roulettes de cuivre pratiquées dans les pieds. Autant en faut au nécessaire que je vous supplie de presser. Je vous embrasse.

  1. Édition Courtat.