Correspondance de Voltaire/1737/Lettre 762

Correspondance : année 1737GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 34 (p. 284-285).
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762. — À M. L’ABBÉ MOUSSINOT[1].
(Du 27 juin 1737.) R. le 30 juin 1737.

En réponse à celle du 24 de juin.

Je vous prie d’abord d’envoyer le tableau à la campagne, à Viry prés d’Athis, à M. Mignot, avec une petite lettre qui sera un mot d’avis, des compliments pour toute ma famille, et lui dire qu’il s’adresse à vous s’il a quelques ordres à me donner.

Il faut poursuivre ce fripon insigne de Demoulin, qui m’a volé vingt mille livres ; il faut du moins qu’il me paye le peu qu’il n’a pu me voler.

Quant à M. de Richelieu, s’il veut ne me point donner d’argent comptant, mais seulement une délégation des 2,461 liv. 4 s. 5 d. que lui doit encore Mme  d’Aubigné, et une délégation pour le reste de l’année 1736, 1737 et suivantes, acceptée, sur quelque fermier, je suis content. C’est une proposition qu’il doit accepter ; mais s’il veut donner de l’argent comptant, il ne faut pas le refuser.

J’attends le secrétaire, les pièces de l’Académie des sciences, les petits balais, le bâton ferré, les cassures de glaces, les terrines, etc.

Il faudra se passer des thermomètres.

Je vous prie d’ajouter au paquet vingt livres de poudre fine à poudrer, et dix livres de poudre à poudrer de senteur. Cela fait trente livres, avec une bouteille d’essence de jasmin. Priez madame votre sœur de faire cette emplette.

J’attends aussi une jolie gibecière.

Le procédé du sieur Robert me paraît assez embrouillé. Je vous demandais si ces trois louis, que vous lui aviez donnés en juillet 1736, étaient pour des déboursés ou étaient une récompense. Je sais qu’il n’a jamais fait de déboursés : c’était donc une récompense. Il est encore bien singulier qu’il prenne pour lui de l’argent, sous prétexte d’un mémoire de procureur. Il est bon de finir avec lui.

Vous devez avoir les trente-deux louis du sieur Bronod. Je vous supplie de donner cinquante louis à Hébert, et de le presser.

Encore une petite visite au sieur Geoffroy. Remettez-le sur le chapitre du plomb et du régule d’antimoine augmentés de poids après la calcination.

Il vous a dit, et cela est vrai, que ces matières perdent cette augmentation de poids après s’être refroidies ; mais ce n’est pas assez : il faut savoir si ce poids se perd quand le corps calciné s’est simplement refroidi, ou s’il se perd quand ce corps calciné a été ensuite fondu. Par exemple, M. Lemery rapporte que vingt-cinq livres de plomb calcinées ont produit vingt-cinq livres pesant, lesquelles refondues ensuite n’ont pesé que dix-neuf livres.

MM. Duclos et Homberg rapportent que le régule de mars et celui d’antimoine, exposés au verre ardent et s’y étant calcinés, ont augmenté de poids ; mais que, fondus après à ce même verre, ils ont perdu et ce poids qui leur avait été ajouté, et un peu du leur propre. Ce n’est donc pas simplement après avoir été refroidis que ces corps ont perdu le poids ajouté à leur substance par l’action du feu.

Il faudrait encore savoir si M. Geoffroy pense que la matière ignée seule a produit ce poids surabondant ; si la cuiller de fer avec laquelle on remue pendant l’opération, si le vase qui contient le métal, n’augmentent pas le poids de ce métal, en passant en quelque quantité dans sa substance.

Sachez, je vous prie, son sentiment, et mandez-le-moi au plus vite ; vous êtes très-capable de le faire parler et de le bien entendre. Je compte plus que jamais sur votre amitié et sur votre discrétion.

P. S. Vous devriez savoir la liste des débiteurs de Demoulin, qui étaient les miens. Il y en a qui demeurent dans votre quartier. Vous pourrez savoir s’ils l’ont payé, s’ils le payeront ; mais il faut toujours le poursuivre.

  1. Édition Courtat.