Correspondance de Voltaire/1736/Lettre 593

Correspondance : année 1736GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 34 (p. 68-69).
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593. — À M. L’ABBÉ MOUSSINOT[1].
Ce 7 (avril).

Mon cher abbé, vous avez grande raison d’être plus content du jeune homme à qui vous avez donné de l’argent que du sieur Lamare, et je crois leurs caractères fort différents. Je crois dans l’un encourager la vertu ; je ne vous dis rien de l’autre : vous le connaissez ; c’est à vous d’en juger.

Je vous prie de mettre une douzaine de livres de café dans le ballot que vous voulez bien m’envoyer : je vous serai très-obligé.

Je compte que vous m’enverrez incessamment au moins un de mes portraits. Mandez-moi un peu, mon cher abbé, ce qu’on fait de mon maigre visage. Je ne m’y intéresse guère, mais mes amis en ont quelque envie, parce qu’il appartient à un homme dont ils connaissent le cœur.

Je vous prie, si vous avez de l’argent à moi, de donner cent livres à M. Berger, qui vous rendra cette lettre, et, si vous ne les avez pas, de vendre vite quelqu’un de mes meubles pour les lui donner, dussiez-vous lui donner cinquante livres une fois et cinquante livres une autre fois. Ayez la bonté de lui faire ce plaisir : je lui ai une grande obligation de vouloir bien s’adresser à moi. Le plus grand regret que j’aie dans le dérangement où Demoulin a mis ma fortune est d’être si peu utile à des amis tels que M. Berger. Enfin il faut songer à ce qui me reste plus qu’à ce que j’ai perdu, et tâcher d’arranger mes petites affaires de façon que je puisse passer ma vie à être un peu utile à moi et à ceux que j’aime

Je vous embrasse tendrement, mon cher abbé.

  1. Édition Courtat.