Correspondance de Voltaire/1735/Lettre 516

Correspondance de Voltaire/1735
Correspondance : année 1735GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 541-542).
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516. — Á M. L’ABBÉ ASSELIN[1].
À Cirey, par Vassy, 4 octobre 1735.

Vous voyez, monsieur, ce qui arrive de cette impression malheureuse. Voyez si vous êtes intéressé à repousser la calomnie. Voilà l’abbé Desfontaines, un homme qui me doit tout, à qui j’ai sauvé l’honneur et la vie, que j’ai tiré de Bicêtre, dont j’ai fait suspendre le procès criminel, et qui, depuis ce temps-là, n’a jamais eu à se plaindre de moi ; voilà, dis-je, ce même homme qui dans ses feuilles ose dire que la tragédie que vous avez fait jouer est une pièce contre les bonnes mœurs !

Je m’étais adressé à lui pour le prier de faire connaître au public que je n’ai nulle part à cette misérable édition, où mon ouvrage est si défiguré ; et n’avais-je pas quelque droit de compter qu’il parlerait au moins de moi avec honnêteté ? Cependant, pour toute réponse, il fait imprimer ma lettre sans m’en avertir, et joint à cette grossièreté, à cette faute contre la société, les plus mauvaises critiques et les plus lâches calomnies.

Ce qu’il y a de plus cruel, monsieur, c’est que je sais qu’on a dit à M. Rouillé, qui est seul chargé de la librairie, que la Mort de César est l’ouvrage d’un mauvais citoyen, et que c’est moi qui l’ai fait imprimer furtivement pour braver les règles que monsieur le garde des sceaux a établies.

J’ose dire, monsieur, que votre probité doit vous engager à réfuter de telles calomnies. Vous êtes à portée de les faire réfuter dans les journaux et dans toutes les Nouvelles publiques. Je vous le demande en grâce. Vous devriez bien aussi vous donner la peine de voir M. Rouillé, ou de lui écrire, pour le prier de faire des recherches contre l’éditeur. M. Hérault ne se mêle plus de la librairie.

Je vous supplie instamment, monsieur, de vouloir bien vous donner un peu de mouvement dans une affaire qui est devenue la vôtre ; je vous en aurai une obligation infinie. Donnez, monsieur, je vous en conjure, cette marque d’amitié à l’homme du monde qui est le plus rempli d’estime et d’attachement pour vous.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.