Correspondance de Voltaire/1735/Lettre 454

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454. — L’ABBÉ PRÉVOST Á M. THIERIOT[1].
1735.

I received your magazines, Jacoh’s Works, etc., and every thing shall be kept in good order, to return in your hands when I am in Paris. But why do not you send what you spoke to ine of concerning M. Voltaire, and cardinal Albêroni’s letter ? You may be sure I shall make the best use of it which is in my power. Perhaps you are angry at me for not having spoken of the Death of Julius Cæsar, and the wrong édition of it ; but, dear sir, if you remember that the same week I received your letter, your very same account of M. Voltaire’s tragedy was publislied in the Observations upon Modern Wrilings ; by no means can you take it ill that I would not be another’s écho, and humbly repeat what M. Desfontaines had told before me. There is no occasion wherein I am not ready to déclare myself one of M. Voltaire’s admirers, though I am told lately he has not spoken of me in the best terms of the world ; but my heart, if not my merit, is above such little trilles. I am quite unknown to M. Voltaire ; and I am as bold as to say, that nobody, who knows both my person and my way of thinking and living, can hate or contemn me.

You expect no news from a poor countryman, who thinks himself alone upon the earth, so out of use he is of seeing men or women in the most solitary place of the world. When you have nothing better to do, could not you write to me, as bad and carelessly as you please, what you hear and see every day at Paris ? I am condemned to live here till the tenth of December ; and no sollicitations could prevail on the Pope to lessen my spiritual punishment.

Cleveland and that dear Fanny are not out of my mind ; but at great many friends of mine, on whose counsels and wisdom I rely, have advised me to publish no love works till my retreat be over. It is the only reason why the second part of Killerine bas not yet been printed.

No compliments for your Psyché, since you think it so dangerous for my repose. I will not see her more till I have got a hundred Ihousand a-year, then I can love, tell it, and hope to be well received. Farewell dear sir. Have you seen M. de Chaster ?

Your humble servant.
L’abbé Prévost[2],

*. Le journal de l’abbé Desfontaines

  1. Pièces inédites, 1820.
  2. Traduction : J’ai reçu vos papiers, les ouvrages de Jacob, etc., et chaque chose sera mise dans le meilleur ordre pour rentrer dans vos mains quand je serai à Paris ; mais pourquoi ne m’envoyez-vous pas ce dont vous m’avez parlé concernant M. de Voltaire, ainsi que la lettre du cardinal Alberoni ? Vous pouvez être sûr que j’en ferai le meilleur usage que je pourrai. Peut-être êtes-vous fâché de ce que je n’ai pas parlé de la Mort de Jules-César et de la mauvaise édition qu’on en a faite ; mais, moucher monsieur, si vous vous rappelez que la même semaine que je reçus votre lettre, une analyse de la tragédie de Voltaire fut imprimée dans les Observations sur les écrits modernes*, vous ne pouvez nullement trouver mauvais que je n’aie pas voulu être l’écho d’un autre, et humblement répéter ce que M. Desfontaines avait dit avant moi. Il ne se présentera aucune occasion où je ne sois prêt à me déclarer un des admirateurs de M. de Voltaire, quoiqu’on m’ait dit dernièrement qu’il n’avait pas parlé de moi dans les meilleurs termes du monde ; mais je suis par mon cœur, si ce n’est par mon mérite, au-dessus de ces bagatelles. Je suis entièrement inconnu à M. de Voltaire et j’ose dire que qui que ce soit qui connaîtra ma personne, ma façon de penser et ma conduite, ne pourra me haïr ou me mépriser.

    Vous n’attendrez pas de nouvelles d’un pauvre campagnard qui se croit seul sur la terre, et qui ne voit âme qui vive, homme ni femme, dans le lieu du monde le plus solitaire. Quand vous n’aurez rien de mieux à faire, ne pourriez-vous pas m’écrire sans gêne ce que vous entendez et voyez chaque jour dans Paris ? Je suis condamné à vivre ici jusqu’au 10 de décembre, et aucune sollicitation ne pourrait engager le pape à abréger mon exil.


    Cleveland et cette chère Fanny m’occupent encore. Plusieurs de mes amis, dont je dois croire les conseils et la sagesse, sont d’avis que je ne publie aucun ouvrage d’amour jusqu’à ce que le temps fixé pour ma retraite soit fini : c’est la seule raison pour laquelle la seconde partie du Doyen de Killerine n’a pas encore été imprimée.


    Point de compliment pour votre Psyché*, puisque vous croyez cela si dangereux pour mon repos. Je ne veux non plus la revoir que lorsque j’aurai cent mille francs de rentes ; alors je pourrai aimer, le dire, et espérer d’être bien reçu.


    Adieu, mon cher monsieur ; avez-vous vu M. de Chaster ?

    Votre humble serviteur.
    L’abbé Prévost.
    *. MlleSallé