Correspondance de Voltaire/1734/Lettre 452

Correspondance de Voltaire/1734
Correspondance : année 1734GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 465).
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452. — Á MADAME LA COMTESSE DE LA NEUVILLE.

Cela est plaisant, madame ! l’écriture de Mme de Champbonin paraît ressembler si fort à la vôtre que quelquefois je m’y méprends. Vous avez d’autres ressemblances, et je me flatte surtout que vous avez celle de m’honorer d’un peu de bonté. Si je n’étais pas occupé ici à ruiner infailliblement Mme du Châtelet, vous croyez bien que j’aurais l’honneur de vous voir. Je suis excédé de détails ; je crains si fort de faire de mauvais marchés, je suis si las de piquer des ouvriers, que j’ai demandé un homme qui vînt m’aider. Je l’attends dans le mois de janvier, et, dès que mon coadjuteur sera venu, j’irai, madame, vous redemander ces jours heureux et paisibles que j’ai déjà goûtés dans votre aimable maison. Vous savez qu’on parle d’un congrès ; mais les parties ne sont point encore assez lasses de plaider pour songer à s’accommoder. M. de Coigny s’est démis du commandement en Italie, et je crois que la cour ne serait pas fâchée que M. de Broglie en fît autant. Mais, avant d’accepter la démission de M. de Coigny, on a proposé à Monsieur le Duc de commander l’armée, afin d’avoir quelqu’un qui, par la prééminence de son rang, étouffât les jalousies du commandement. Monsieur le Duc a refusé. On pense d’y envoyer M. le comte de Clermont. Sur cette nouvelle, M. le comte de Charolais a écrit à M. de Chauvelin : « Monsieur, on dit que vous êtes réduit à la dure nécessité de choisir un prince du sang pour commander les armées ; je vous prie de vous souvenir que je suis l’aîné de mon frère l’abbé. » On commence à trouver la levée du dixième bien rude[1], et à n’avoir plus tant d’ardeur pour une guerre où il n’y a peut-être rien à gagner pour la France. On s’en dégoûte aussitôt qu’on en est entêté. Je suis persuadé qu’au moindre échec le ministère sera bien embarrassé.

  1. La France, vers cette époque, c’est-à-dire en 1730, ne payait que 200 milions d’impôts. (Cl.)