Correspondance de Voltaire/1734/Lettre 398

Correspondance de Voltaire/1734
Correspondance : année 1734GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 414-415).
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398. — Á M. DE CIDEVILLE.
À Monjeu, par Autun, le 21 avril.

J’étais ici tranquille, mon charmant ami, et je jouissais paisiblement du fruit de ma petite négociation entre M. de Richelieu et Mlle de Guise[1]. Je n’ai pas trop l’air du blond Hyménée ; mais je faisais les fonctions de ce dieu charitable, et je me mêlais d′unir des cœurs par-devant notaire, lorsque les nouvelles les plus affligeantes sont venues troubler mon repos. Ces maudites Lettres anglaises se débitent enfin sans qu’on m’ait consulté, sans qu’on m’en ait donné le moindre avis. On a l’insolence de mettre mon nom à la tête, et de donner l’ouvrage avec la Lettre sur les Pensées de Pascal, que j’avais le plus à cœur de supprimer.

Je ne veux pas soupçonner Jore de m’avoir joué ce tour, parce que, sur le moindre soupçon, il serait mis sûrement à la Bastille pour le reste de sa vie. Mais je vous supplie de me mander ce que vous en savez. En un mot, si l’on pouvait ôter mon nom, du moins ce serait une impertinence de sauvée. Je ne sais où est ce misérable.

Adieu ; j’ai le cœur serré de douleur. Écrivez-moi pour me consoler, et faites mille tendres compliments pour moi à mon ami Formont. L’abbé du Resnel est-il à Rouen ? En êtes-vous bien content ? Adieu ; écrivez-moi à Monjeu.

  1. Elisabeth-Sophie de Lorraine, fille du prince de Guise ; seconde femme du duc (depuis maréchal) de Richelieu, morte le 2 août 1740.