Correspondance de Voltaire/1732/Lettre 245
Je devrais venir vous remercier ce matin, mon cher monsieur, je devrais être aux pieds de votre adorable prince. Dieu soit enfin loué ! nous avons un prince qui a du goût. Mon cher Moncrif, il faut qu’il me protège : ce sera le bon goût qui me protégera contre le mauvais[2].
Ah ! que les comédiens sont de pauvres gens ! Savez-vous bien qu’hier j’assemblai trois bons critiques, qui lurent les deux pièces jusqu’à onze heures ? Ils furent unanimement de votre avis. Je suis charmé que Mme de Bouillon ait si bien senti, et si promptement, la différence qui est entre ces deux ouvrages. Il y a bien plus d’esprit et de goût, dans ce siècle, qu’on ne croit, mon cher Moncrif. Faites bien ma cour à monseigneur, et à Mme de Bouillon ; aimez Voltaire et Ériphyle. Adieu, et vale. Je suis chez moi, parce que je travaille.