Correspondance de Voltaire/1727/Lettre 170

Correspondance de Voltaire/1727
Correspondance : année 1727GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 167-168).
◄  Lettre 169
Lettre 171  ►

170. — À M. THIERIOT[1].

À … mars 1727.

Je vous envoie, mon cher Thieriot, les livres que je vous ai promis ; vous les recevrez par la voie de M. Dunoquet, trésorier des troupes, à Calais, à qui je les adresse, et qui les mettra au coche de Calais pour Paris, adressés à vous, chez Mme de Bernières.

It was indeed a very hard task formed to find that damned book, which, under the title of Improvement of human reason, is an example of nonsense from one end to the other, and which besides, is a tedious nonsense, and consequently very distasteful to the french nation, that detests madness itself, when madness is languishing and flat. The book is scarce, hecause it is bad, it being the fate of all wretched books never to be printed again. So, I spent almost a fortnight in the search of it, till at last I had the misfortune to find it.

I hope you will not read throughout, that spiritless nonsense romance, though indeed you deserve to read it, to do penance fort the trouble you gave me to inquire after it, for the tiresome perusal I made of some parts of this whimsical, stupid performance, and for your credulity in believing those who gave you so great an idea of so mean a thing.

You will find in the same parcel the second volume of M. Gulliver, which (by the by, I don’t advise you to translate) strikes at the first ; the other is overstrained. The reader’s imagination is pleased and charmingly entertained by the new prospect of the lands which Gulliver discovers to him ; but that continued séries of new fangles, follies of fairytales, of wild inventions pall at last upon our taste. Nothing unnatural may please long ; it is for this reason that commonly the second parts of romances are so insipid.

Farewell ; my services tho those who remember me, but I hope I am quite forgot here[2].

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Traduction : J’ai eu vraiment une peine incroyable à trouver ce maudit livre, qui, sous le titre de Perfectionnement de la raison humaine*, est un modèle d’absurdités d’un bout à l’autre. Ajoutez que ces absurdités sont très-ennuyeuses, et dès lors insupportables aux Français, qui détestent la folie elle-même lorsqu’elle est fade et glacée. Ce livre est rare, parce qu’il est mauvais, le sort de tous les mauvais livres étant de n’être jamais réimprimés. Ainsi, j’ai passé près de quinze jours à le chercher jusqu’à ce qu’enfin j’aie eu le malheur de le trouver.

    J’espère que vous ne lirez pas jusqu’au bout ce sot et absurde roman, quoiqu’en vérité vous méritiez de le lire, pour vous punir de la peine que vous m’avez donnée de le chercher, de l’ennui que j’ai eu de lire quelques morceaux de cet ouvrage ridicule et insensé, enfin de votre admirable facilité à croire les gens qui vous ont donné une si grande opinion d’une pareille pauvreté.

    Vous trouverez dans le même paquet le second volume de Monsieur Gulliver, qu’en passant je ne vous conseille pas de traduire. Le premier volume saisit vivement ; le second est outré. L’esprit du lecteur est charmé d’abord, et agréablement captivé par le spectacle nouveau des pays que Gulliver lui découvre ; mais cette suite non interrompue d’imaginations folles, de rêves, de contes de fées, d’inventions extravagantes, finit par rassasier. Rien de surnaturel ne plaît longtemps : c’est pour cela qu’ordinairement la seconde partie des romans parait insipide.

    Adieu ; mes compliments à ceux qui se souviennent de moi, mais je compte que je suis tout à fait oublié ici.

    *. Ouvrage traduit de Taralie. Thioriot préparait toujours un travail sur Mahomet. (G. A.)