Correspondance de Voltaire/1726/Lettre 168

Correspondance de Voltaire/1726
Correspondance : année 1726GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 162-165).
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168. — À M. ***[1].

1726.

Dear sir, I received lately two letters of your’s one directed to lord Peterborough's and the other to lord Bolingbroke’s : both happening to be in the country just whilst I was in town, hindered me from receiving your orders so soon as I should, and as I wished. I have sent this morning by the packet-boat, a bundle of three copies of the Henriade, with your direction upon it, to be conveyed to you by the means of M. Dunoquet, who lives at Calais, and who will take care of sending them to you by the public coach. If they are left at the custom-house, at Paris, you may claim them, and they will be delivered to you : but I hope proper care shall be taken of conveying them to your lodgings without giving you the trouble of asking for them.

One of the books is for Tiriot, though he bas utterly forgot me, and does not write one single word either in French or in English.

He may get a good deal of money by printing it in France. But in case he attempts it I must at least be acquainted with his design, and I will send him many alterations and corrections which will do good to the work and more to him.

You will see by some annotations tacked to my book, and fathered upon an English lord, that I am here a confessor of catholic religion. Though the poem is written in a language not much admired here in regard to poetry, yet three editions have been made in less than three weeks, which I assure you I attribute entirely to the lucky subject I have pitched upon, and not at all to the performance. I do not send you yet my great edition, because I am really afraid of having not copies enough to answer the calls of the subscribers. I have given notice to many a bookseller in France that my Henriade in-quarto was ready to be delivered to the subscribers at a place which I have appointed in London. It is at messieurs Simon and Benezet’s, merchants, by the Royal-Exchange. They are so kind as to consent the book should be delivered at their house to anybody who will send some of my receipts. I desire you to tell Tiriot of it, that he may acquaint the world I am ready to satisfy the subscribers.

I have been tempted to send you an essay of mine which I have been bold enough to print in English above two months ago : but I dare not send any thing of that kind into France before I have settled my affairs in that country. I have the misfortune to have lost all my annuities upon the town-house for want of a formality ; and now, as I am struggling for their recovery, I think I am not to let the French court know that I think and write like a free Englishman. I heartily wish to see you and my friends, but I had rather to see them in England than in France. You, who are a perfect Briton, you should cross the channel and come to us. I assure you again, that a man of your temper would not dislike a country where one obeys to the laws only and to one’s whims. Reason is free here and walks her own way. Hypochondriacs especially are welcome. No manner of living appears strange. We have men who walk six miles a day for their health, feed upon roots, never taste flesh, wear a coat in winter thinner than your ladies do in the hottest days : all that is accounted a particular reason, but taxed with folly by nobody.

Let us return to the Henriade again. Of those three volumes which are in a packet directed to you, I charge Tiriot to send one to my former friend miss Livry ; Mme de Bernières will read that of Tiriot : I intend hereafter to send her one for her library at la Rivière.

But I desire Tiriot not to attempt any thing about the printing of my book without acquainting me with it : I shall take it as a proof of his friendship to me.

Farewell, I love you sincerely without any compliment or ceremony[2].

March Last.

  1. Pièces inédites de Voltaire, 1820. — Cette lettre est probablement adressée à M. Dussol, dont il est question dans le premier alinéa de la lettre suivante.
  2. Traduction : Mon cher monsieur, j’ai reçu dernièrement deux lettres de vous, l’une adressée à milord Peterborough et l’autre à milord Bolingbroke, tous les deux venant de partir pour la campagne, tandis que j’étais en ville : ce qui m’a privé de recevoir vos ordres aussitôt que je l’aurais dû, et que je l’aurais souhaité. J’ai envoyé ce matin, par le paquebot, un paquet renfermant trois exemplaires de la Henriade, avec votre adresse, pour vous être remis par la voie de M. Dunoquet, qui habite Calais, et qui prendra le soin de vous les envoyer par la voiture publique. S’ils étaient déposés à la douane à Paris, vous pouvez les réclamer, et ils vous seront rendus ; mais j’espère qu’on aura fait en sorte qu’ils vous soient envoyés directement, sans vous donner la peine d’en faire la demande.

    Un des livres est pour Thieriot, quoiqu’il m’ait entièrement oublié, et qu’il ne m’ait pas écrit un seul mot soit en français, soit en anglais. Il pourrait gagner beaucoup d’argent en les faisant imprimer en France ; dans le cas qu’il l’entreprenne, je dois au moins en être instruit, et je lui enverrai plusieurs corrections et changements aussi avantageux pour l’ouvrage que profitables pour lui.

    Vous verrez par quelques notes ajoutées à mon livre, et appuyées sur le témoignage d’un lord anglais, que je suis ici défenseur de la religion catholique. Quoique le poëme soit écrit dans une langue qui n’est pas appréciée ici relativement à la poésie, cependant trois éditions en ont été faites en moins de trois semaines, ce que, je vous assure, j’attribue entièrement au sujet heureux que j’ai choisi, et point du tout au mérite de l’exécution. Je ne vous envoie point encore ma grande édition, parce que j’ai réellement peur de n’avoir pas assez d’exemplaires pour répondre aux demandes des souscripteurs. J’ai fait savoir à plusieurs libraires en France que ma Henriade in-4o était prête à être délivrée aux souscripteurs, à l’adresse que j’ai fixée à Londres : c’est celle de MM. Simon et Benezet, négociants près de la Bourse. Ils sont assez obligeants pour consentir à ce que l’ouvrage soit délivré chez eux à tous ceux qui se présenteront avec ma quittance. Je désire que vous vouliez bien dire à Thieriot qu’il peut faire connaître au public que je suis prêt à satisfaire les souscripteurs.

    J’ai été tenté de vous envoyer un essai que j’ai été assez hardi pour imprimer en anglais, il y a environ deux mois ; mais je n’ose envoyer rien de ce genre en France avant d’y avoir terminé mes affaires. J’ai eu le malheur de perdre toutes mes rentes sur l’Hôtel de Ville, faute d’une formalité. Comme je fais maintenant tous mes efforts pour les recouvrer, je crois qu’il ne serait pas prudent de faire connaître à la cour de France que je pense et que j’écris comme un libre Anglais. Je désire ardemment vous revoir, ainsi que mes amis ; mais j’aimerais mieux que ce fût en Angleterre plutôt qu’en France. Vous qui êtes un parfait Breton, vous devriez passer le canal et venir nous trouver. Je vous assure de nouveau qu’un homme de votre trempe ne se déplairait pas dans un pays où chacun n’obéit qu’aux lois et à ses propres fantaisies. La raison est libre ici et n’y connaît point de contrainte ; les hypocondriaques y sont surtout bien venus. Aucune manière de vivre n’y paraît étrange. On y voit des hommes qui font six milles par jour pour leur santé, se nourrissent de racines, ne mangent jamais de viande, portent en hiver un habit plus

    léger que le costume de vos dames dans les jours les plus chauds. Tout cela est ici regardé comme une singularité, mais n’est taxé de folie par personne.

    Revenons à la Henriade. De ces trois volumes que renferme le paquet à votre adresse, je charge Thieriot d’en envoyer un à mon ancienne amie Mlle de Livry ; Mme de Bernières lira celui de Thieriot ; je compte cependant lui en adresser un pour sa bibliothèque de la Rivière. Mais je prie Thieriot de ne rien entreprendre pour l’impression de mon ouvrage sans m’en informer ; je regarderai cela comme une preuve de son amitié pour moi.

    Adieu, je vous aime sincèrement, sans compliment ni cérémonie.