Correspondance de Voltaire/1724/Lettre 129

Correspondance de Voltaire/1724
Correspondance : année 1724GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 125-126).
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129. — À MADAME LA PRÉSIDENTE DE BERNIÈRES.

Octobre

Vous allez probablement achever votre automne sans Thieriot et sans moi. Voilà comme une maudite destinée dérange les sociétés les plus heureuses. Ce n’est pas assez que je sois éloigné de vous, il faut encore que je vous enlève mon substitut. Il ne tiendrait qu’à vous de revenir à la Saint-Martin, mais vos vergers vous font aisément oublier une créature aussi chétive que moi ; et quand on a des arbres à planter, on ne se soucie guère d’un ami languissant.

Je suis très-fâché que vous vous accoutumiez à vous passer de moi ; je voudrais du moins être votre gazetier dans ce pays-ci, afin de ne vous être pas tout à fait inutile ; mais malheureusement j’ai renoncé au monde, comme vous avez renoncé à moi. Tout ce que je sais, c’est que Dufresny est mort[1], et que Mme de Mimeure s’est fait couper le sein. Dufresny est mort comme un poltron, et a sacrifié à Dieu cinq ou six comédies nouvelles, toutes propres à faire bâiller les saints du paradis. Mme de Mimeure a soutenu l’opération avec un courage d’amazone ; je n’ai pu m’empêcher de l’aller voir dans cette cruelle occasion. Je crois qu’elle en reviendra, car elle n’est en rien changée ; son humeur est toute la même. Je pourrai pour la même raison revenir aussi de ma maladie, car je vous jure que je ne suis point changé pour vous, et que vous êtes la seule personne pour qui je veuille vivre.

  1. Le 6 octobre 1724.