Correspondance de Voltaire/1723/Lettre 89

Correspondance de Voltaire/1723
Correspondance : année 1723GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 92-93).
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89. — À MADAME LA PRÉSIDENTE DE BERNIÈRES.

Juillet.

Je pars dans l’instant pour Villars, où je vais me reposer quelques jours de toutes les fatigues inutiles que je me suis données dans ce pays-ci.

Heureusement la seule négociation où j’aie réussi est une affaire dont vous m’aviez chargé. Vous pourrez avoir, pour quatre cents francs tout au plus, et probablement pour cent écus, la petite loge que vous demandez pendant l’hiver. J’ai promis de faire un opéra pour pot-de-vin. Si je suis sifflé, il ne faudra s’en prendre qu’à vous. Je crois que M. de Bernières viendra mardi coucher avec vous ; je voudrais fort être à sa place ; mais je n’aurai la satisfaction de vous faire ma cour à la Rivière que dans quinze jours.

Je ne sais autre nouvelle, sinon qu’on a décerné un ajournement personnel contre les frères Belle-Isle[1]. On en voulait faire autant au sieur Le Blanc[2] ; mais les voix ont été partagées.

Les Fêtes grecques et romaines de Fuzelier et de Colin Tampon[3] sont jouées à l’opéra, et sifflées par les honnêtes gens, M. le duc d’Orléans a chanté :

J’en connais bien d’autres.
Ah ! Colin, tais-toi.

Colin aurait dû répondre :

Qui sont comme moi.

Adieu, je vous assure que Villars ne m’empêchera pas de regretter la Rivière.

  1. Le comte de Belle-Isle, depuis maréchal et ministre de la guerre, et le chevalier de Belle-Isle, son frère.
  2. Le secrétaire d’État de la guerre, mort le 10 mai 1728.
  3. François-Colin de Blamont, musicien, né en 1690, mort en 1760.