Correspondance de Voltaire/1723/Lettre 83

Correspondance de Voltaire/1723
Correspondance : année 1723GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 88-89).
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83. — À MADAME LA PRÉSIDENTE DE BERNIÈRES.
Paris, …juin

Pour première nouvelle, je vous dirai que j’ai été malade, et que j’en suis d’autant plus fâché que cela retarde mes affaires, et par conséquent mon retour à la Rivière. M. de Richelieu part après-demain pour Forges ; je ne crois pas que je puisse être de ce voyage. J’ai été à Inès de Castro[1], que tout le monde trouve mauvaise et très-touchante. On la condamne, et on y pleure. Paris est inondé de chansons encore plus mauvaises contre toutes les femmes de la cour, et, à la honte du siècle, on parle de ces sottises. Une chose qui m’intéresse davantage, c’est le rappel de milord Bolingbroke en Angleterre. Il sera aujourd’hui à Paris, et j’aurai la douleur de lui dire adieu, peut-être pour toujours[2].

M. le cardinal Dubois a une très-mauvaise santé, et on n’espère pas qu’il vive encore longtemps. Il veut, avant sa mort, faire pendre Talhouet[3] et La Jonchère[4] afin de réparer par un acte de justice les fredaines de sa vie passée. M. le duc d’Orléans ne travaille presque plus, et, quoiqu’il soit encore moins fait pour les femmes que pour les affaires, il a pris une nouvelle maîtresse qui se nomme Mlle Ouel.

  1. Tragédie de Lamotte-Houdard, jouée le 6 avril 1723. L’une des critiques de cette pièce, intitulée Sentiments d’un spectateur français, a été attribuée à Voltaire, mais sans aucun fondement.

    Voyez ce qu’il en dit dans sa lettre de juin 1731, aux auteurs du Nouvelliste du Parnasse.

  2. Il revint en 1736.
  3. De La Pierre de Talhouet, condamné à mort, en 1723, comme ayant prévariqué dans l’administration de la banque et de la compagnie des Indes ; sa peine fut commuée en une prison perpétuelle. (Cl.)
  4. Après la disgrâce de Claude Le Blanc, secrétaire d’État de la guerre, il fut mis à la Bastille et à Vincennes, en 1723 et 1724.