Correspondance de Voltaire/1722/Lettre 61


Correspondance de Voltaire/1722
Correspondance : année 1722GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 72-73).
◄  Lettre 60
Lettre 62  ►

61. — À M. THIERIOT.

À la Haye, ce 2 octobre 1722.

Je reçois ce vendredi votre lettre, et me hâte d’y faire réponse afin que vous sachiez tout au plus tôt combien elle m’a fait de plaisir et combien je vous suis obligé. Je ne me lasse point de donner de l’exercice à votre amitié. Premièrement, je vous prie de répandre que je n’ai été en Hollande que pour y prendre des mesures sur l’impression de mon poème, et point du tout pour y voir M. Rousseau.

Si vous pouvez m’acheter un excellent cheval de course, de la valeur de 200 ou 250 livres, pour le 12 de ce mois, vous me ferez un plaisir infini. Vous n’avez qu’à charger de cette commission les mêmes qui ont vendu mes chevaux ; Gaudin pourra fort bien me rendre ce service. Assurez-le, je vous prie, de ma reconnaissance et de mon amitié pour toute ma vie.

J’ai vu Picard, qui est chargé d’affaires pour un an ; ainsi je ne compte point du tout sur lui. Ayez donc la bonté de distribuer les quatre autres estampes aux meilleurs graveurs de Paris.

Je ne conçois pas comment ma lettre à M. le cardinal[1] a pu transpirer : elle n’était faite ni pour être publique, ni pour être approuvée de messieurs du café. Je viens d’achever un ouvrage d’un autre genre[2], que je vous montrerai à mon retour, et dont je ne peux vous rien dire à présent. Les cafés ne verront pas celui-là, sur ma parole. Si vous n’avez pas déjà mis à la poste le poëme de M. Racine, envoyez-le-moi sous l’enveloppe de M. de Chambéry, ministre de France auprès des États-Généraux, à la Haye.

Je ne vous mande rien de ce que j’ai fait et vu en ce pays-ci. Je réserve tout cela pour les entretiens que nous aurons ensemble à Paris ; j’y serai au plus tard le 14. Je monte ici tous les jours à cheval, je joue à la paume, je bois du vin de Tokai, je me porte si bien que j’en suis étonné. Je compte faire le voyage en poste sur mes maigres fesses. Écrivez-moi, et priez Dieu que j’aie de bons chevaux sur la route. Si vous pouvez savoir ce qu’on donne en France d’un escalin, d’un florin, d’un patagon, d’un ducat, d’une pistole d’Espagne, vous me ferez grand plaisir de me le mander au plus juste. Adieu, mon cher ami ; la poste va partir.

  1. Le cardinal Dubois.
  2. Sans doute l’Épître à Uranie.