Correspondance de Voltaire/1713/Lettre 13

Correspondance de Voltaire/1713
Correspondance : année 1713GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 17).
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13. — À MADEMOISELLE DUNOYER.

Ce mercredi soir, 13 décembre.

Je ne sais que d’hier, ma chère, que vous êtes malade ; ce sont là les suites des chagrins que je vous ai causés : quoi ! je suis cause de vos malheurs, et je ne puis les adoucir ! Non, je n’ai jamais ressenti de douleur plus vive et plus juste ; je ne sais pas quelle est votre maladie : tout augmente ma crainte ; vous m’aimez et vous ne m’écrivez point ; je juge de là que vous êtes malade véritablement. Quelle triste situation pour deux amants ! l’un au lit, et l’autre prisonnier. Je ne puis faire autre chose pour vous que des souhaits, en attendant votre guérison et ma liberté. Je vous prierais de vous bien porter, s’il dépendait de vous de m’accorder cette grâce ; mais du moins il dépend de vous de songer à votre santé, et c’est le plus grand plaisir que vous me puissiez faire. Je ne vous ai point écrit de lettre où je ne vous aie recommandé cette santé, qui m’est si chère ; je supporterai toutes mes peines avec joie, si vous pouvez prendre un peu le dessus sur toutes les vôtres. Mon départ est reculé encore. M. de M***, qui vient actuellement dans ma chambre, m’empêche de continuer ma lettre : adieu, ma belle maîtresse ; adieu, mon cher cœur. Puissiez-vous être aussi heureuse toute votre vie que je suis malheureux actuellement ! Adieu, ma chère ; tâchez de m’écrire.
Arouet.