Tome III - 1873




à Auguste Vacquerie.

H-H, 3 janvier.

ô cher Auguste,

le triomphateur, c’est vous. Le beau livre, c’est le vôtre. Je rêve, je travaille, et je vous lis, voilà comment je fais pour me passer de vous ; j’ai un bon moyen de supporter votre absence, j’ai découvert que vous étiez présent dans votre livre. Présence réelle, celle-là. Cependant, en disant ceci, je fais bonne mine à mauvais jeu. Au fond, je suis triste. Si je vous manque un peu, vous me manquez beaucoup. Paris d’ailleurs n’est remplacé par rien, pas même par l’océan. Ce qui me cloue ici, c’est la nécessité de ne pas m’en aller de cette vie sans avoir fait tout mon devoir, et complété mon œuvre le plus possible. Un mois de travail ici vaut un an de travail à Paris. C’est pourquoi je me condamne à l’exil. Et je songe à vous, et à mon Victor qui se rétablirait, je crois, mieux ici, et à mes chers petits, ces rayons de mon âme. -aimez-moi toujours un peu, cher ami, cher frère, cher maître ; quel beau rappel vous nous faites ! Mme Drouet embrasse Mesdames Lefèvre. Mettez à leurs pieds mes tendres respects.


à Alice. à François-Victor.

H-H, 8 janvier.

Chère Alice,

votre douce lettre me va au cœur. Oui, hélas, la vie est courte, surtout pour moi, qui ai derrière moi tant d’années et devant moi si peu de jours. Six mois d’été à Guernesey, six mois d’hiver à Paris, on ne se quitterait pas, on serait heureux, mon travail l’été me permettrait mon bonheur l’hiver ; ce sera, chère Alice, quand vous voudrez.

J’apprends, mon Victor, que tu vas de mieux en mieux. Je t’envoie six lignes sur ton dernier article coupées dans une lettre de M Louis Koch à sa tante. Je contresigne tout ce qu’il dit. C’est une belle page que tu as écrite là. Porte-toi bien, mon enfant bien-aimé. Je vous embrasse, Alice, toi et les deux petits, et je vous aime profondément. Mme Drouet et Julie vous envoient leurs plus tendres affections.


à Mounet-Sully.

Hauteville-House, 10 janvier.

Mon cher Mounet-Sully,

vous êtes un noble artisan. Je vous considère comme un de mes plus précieux auxiliaires. Le succès est dû au talent, vous avez l’un et l’autre. Courage donc ! Mon travail me cloue dans la solitude où je suis : je ne puis aller en ce moment à Paris ; il importe que Marion De Lorme soit jouée en janvier ; sans quoi je vous dirais : venez donc ! Je vous offrirais la rustique hospitalité de ma masure ; c’est la vieille maison d’exil. Elle vous recevrait porte ouverte à deux battants, ainsi que Mademoiselle Favart, si ma belle, charmante et pathétique Marion De Lorme voulait prendre la peine d’enjamber l’océan pour moi. Elle doit se souvenir, cette ravissante Stella, que le lion océan est amoureux d’elle. Dites-le lui de ma part, elle m’apporterait le printemps en plein hiver. Malheureusement, je crains que tout cela n’ajoute un retard à des retards, et la saison s’avance beaucoup. — M Perrin qui est un excellent esprit peut décider toutes ces questions mieux que moi. Mais soyez tranquille, vous ; avec moi, ou sans moi, vous réussirez ; votre beau talent a conquis le public. Didier sera pour vous une victoire de plus. Quant à moi, je ne compte pas.

Offrez mes hommages à ma belle Marion, et recevez mon cordial applaudissement.

Victor Hugo.


à Jean Aicard.

H-H, 12 janvier.

Certes, à bientôt,

mon cher et charmant poëte, soit ici, soit à Paris. Je travaille ici ; mon travail fini, j’aurai besoin de serrer votre main cordiale. Ah çà, et cette renaissance , si spirituelle et si robuste, est-ce qu’elle ne va pas reparaître ? Il y avait là le souffle du jeune esprit. Salut à votre vaillant groupe, ô mes poëtes. Je vous serre tous dans mes vieux bras.

Votre ami.

Victor Hugo.


à Auguste Vacquerie.

H-H, 12 janvier.

Cher Auguste,

les journaux français, y compris le rappel , ne le pensez-vous pas ? Ont été bien doux pour ce misérable Grant qui vient d’être si déplorablement réélu. La note américaine-française est bonne à entendre. La voici. Marquand m’apporte cet extrait du leslie’s illustrated . Il me semble que cela serait excellent à reproduire dans le rappel . Il ne faut pourtant pas que ce Grant ait impunément trahi à la fois la France et l’Amérique.

Ah ! Quelle page vous avez écrite sur Eschyle et la peine de mort ! C’est simplement splendide. Quel grand et puissant esprit vous êtes ! Je vous remercie de votre mot pour moi aux débats . En voilà, de vieux ingrats ! Ingrat, je ne le serai jamais, c’est pourquoi je vous aime de tout mon cœur.

V H.


à Yves Guyot.

Hauteville-House, 14 janvier.

J’ai en effet, mon cher et cordial confrère, essayé d’exprimer dans les deux vers que vous voulez bien me citer, la loi politique absolue ; cette loi, vous la développez irrésistiblement dans l’excellent petit livre intitulé nos préjugés politiques . Je vous remercie d’avoir mis sous mes yeux ces pages si logiques et si fermes, et je vous envoie toutes mes félicitations pour le talent et tous mes vœux pour le succès. Je salue en vous un des meilleurs serviteurs de la grande cause du droit. Je vous serre la main, vaillant confrère. Victor Hugo.


à Pierre Véron.

H-H, 18 janvier.

ô mon cher et charmant confrère, je voudrais bien être à Paris, car je vous verrais, car je pourrais serrer votre main et baiser la main de votre noble et gracieuse femme. Et puis, j’aurais mes enfants, les grands et les petits, et vous savez que je suis un grand-père vrai, c’est-à-dire abruti et imbécile d’adoration pour ces chers petits êtres qui commencent quand nous finissons. Marion aussi aurait besoin de moi ; je sens et je sais tout cela. Mais que faire ? Paris me réclame et la solitude me tient. J’ai une chose, que je crois importante, à finir, deo volente, et je ne puis achever cette chose que dans la grande concentration du travail sans distraction et sans relâche. Vous en jugerez plus tard, et vous ne me donnerez peut-être pas tort. En attendant, aimez-moi toujours un peu ; remplacez-moi à Marion , et près de Marion, dites à Mademoiselle Favart mes vœux passionnés pour son succès, et mettez mes plus tendres respects aux pieds de Madame Pierre Véron. Je suis à vous du fond du cœur.

Victor H.

Hauteville-House vous espère tous les deux à la saison prochaine. J’irai à Paris vous chercher. Je suis chargé des plus gracieux compliments pour vous et Madame Pierre Véron qui, nous l’espérons bien, est maintenant aussi bien portante qu’elle est belle. Voilà un maximum de santé !


à Paul Meurice.

H-H, 23 janvier.

Cher Meurice,

vous savez mieux que moi, absent, ce qui est possible à la 1 ère de Marion . Je voudrais bien que M Perrin pût donner une loge destinée à mes excellents amis émile Deschanel et le docteur Marchal De Cabri. Ils s’adressent à moi, je m’adresse à vous.

Je suis presque honteux de vous accabler ainsi de mes affaires ; mais je suis le condamné du travail ; de là mon absence. Pardonnez-moi et aimez-moi.

V H.


à Monsieur Louis Thiabaud, rédacteur en chef du journal les Alpes.

Hauteville-House, 27 janvier.

Mon honorable concitoyen,

votre excellent programme, que je vous remercie de mettre sous mes yeux, promet un organe de plus à la justice et à la vérité. La Savoie, qui est si profondément française, vous comprendra et vous applaudira. Courage. Je vous envoie tous mes vœux de succès. Victor Hugo.


à Paul Meurice.

H-H, 27 janvier.

Que vous êtes bon de m’avoir nommé dans ce charmant chapitre le pan de la prose ! Comme je suis fier d’être dans ce beau livre ! Je vous envoie les bravos éperdus de notre lectrice fanatique qui regrette, comme moi, la rue Pigalle, et qui adore le bon Lahire. Avec quel art vous ramenez ces questions de patries délivrées et de libérations de territoires ! Donnez-nous en beaucoup. Donnez-nous en toujours.

Je vous envoie pour Marion la note finale que vous avez désirée avec raison. Est-il utile que j’en revoie l’épreuve ?

Oh ! Que je voudrais vous avoir là ! Je vous lirais ce que je fais. Il me semble que vous n’en seriez pas mécontent.

Je vous embrasse.


à Jean Aicard.

H-H, 27 janvier.

Cher poëte, je viens de lire votre mascarille. C’est charmant et beau. Molière regardait avec les autres dieux. Et moi, qui ne suis que du parterre, j’applaudis. Mon applaudissement a des ailes pourtant, et il s’envole pour aller à vous, par-dessus l’océan. Ouvrez-lui votre fenêtre et recevez-le bien. tuus.

V H.

Voulez-vous être assez bon pour transmettre cette lettre à M La Palud, qui est de vos amis.


à Paul Meurice.

H-H, 28 janvier.

Coup sur coup. C’est encore moi. Cher ami, j’ai réfléchi qu’il était inutile d’insister, jusqu’au développement, sur une note triste et personnelle, dans les quelques lignes finales pour l’édition de Marion que je vous ai envoyées hier. Voulez-vous être assez bon pour retrancher (2 e paragraphe) la phrase qui commence par d’ailleurs et finit par lumière . Il sied de terminer le paragraphe à : envers sa pensée .

Maintenant, laissez-moi vous dire que vous avez réussi, avec un art inouï, à maintenir dans Jeanne D’Arc la pucelle gothique tout en en faisant la vierge actuelle, sorte d’incarnation de la patrie. Vous avez admirablement groupé autour de cette figure les fées, les saintes et les vierges ; de là une harmonie profonde et une explication suprême. Votre Lahire est un grand livre. — c’est la légende des superstitions, mêlée à l’histoire des idées. Les lignes, où vous ramenez tout à l’esprit moderne, et que je lis aujourd’hui dans le n du 27, sont excellentes et utiles. — je vous demande pardon pour tous les ennuis que vous cause Marion. Et nos quatre bras vous embrassent.

V.


au même.

H-H, 30 janvier.

Mes lettres ont croisé la vôtre. Nous sommes d’accord, comme vous voyez, et ma note répond à peu près à tout ce que vous voulez bien désirer. Ne seriez-vous pas d’avis de la placer plutôt en tête de l’édition (sans titre. Note ou préface pour la reprise) plutôt qu’à la fin ? Remerciez pour moi M E Perrin dont j’apprécie l’excellente coopération. Mettez mes plus tendres souvenirs aux pieds de Mademoiselle Favart, vous ne voudriez pas dire espérances , et je serai obligé de le lui dire moi-même. L’explosion Marie ou Marion veut Didier debout. Il se dresse terrible sur le mot, et Marion se brise à ses pieds. Assis, l’effet serait perdu. Dites-le, je vous prie, de ma part, à M Mounet-Sully. Il me semble que je me bornerais à constater les deux dates 1831 et 1873. La reprise intermédiaire est un souvenir peu agréable pour le théâtre-français, qui s’est fait faire un procès (sous l’honnête influence Scribe et Casimir Delavigne) pour jouer Marion De Lorme. Au reste, jugez et décidez. Merci d’avoir payé les 406 fr de la nationale. Je pense que c’est moi maintenant qui suis votre débiteur. Parbleu, je le crois bien. Je suis le débiteur insolvable de votre admirable amitié.

V.

Je recommande à votre souvenir pour la première de Marion une loge pour d’Alton Shée et une baignoire pour Madame Judith Mendès.


à .

Hauteville-House, 31 janvier.

Je m’empresse de vous répondre, mon cher et cordial confrère, je prends en considération le but charitable des représentations dont vous me parlez, j’autorise M E Guimet à faire représenter sa musique du feu du ciel avec mes paroles, sans rien ajouter à mon droit d’auteur (... sur la recette brute) égal au sien. C’est sur mon propre droit d’auteur que je me réserve de prélever la somme destinée au bien-être des quarante petits enfants pauvres à qui je donne ici mon dîner hebdomadaire. Recevez mon meilleur serrement de main.

Victor Hugo.


à Auguste Vacquerie.

H-H, 31 janvier.

Cher Auguste,

je veux vous dire que je vous aime. Mon Victor est un peu souffrant et ne peut pas travailler comme il le voudrait, et vous vous multipliez, pour faire à la fois sa tâche et la vôtre. Vous écrivez coup sur coup d’admirables articles, vous faites travail double, vous êtes à la fois mon fils et mon frère. Oui, je vous aime bien, allez. Je veux que vous sachiez que rien n’est perdu avec moi, et je vous embrasse tendrement.

V.


au même.

4 février.

Vous allez rire, cher Auguste, je vous demande deux places pour Louis Koch et Madame Koch. à ce, vous me répondrez : mais je vous prendrais les vôtres, si vous étiez ici, pour les leur donner ! — et vous aurez raison. Donc nos chers et charmants amis seront placés à la 1 ère de Marion, et je vous embrasse.

V H.


à Monsieur Émile Perrin.

Hauteville-House, 4 février.

Monsieur et très honorable ami, j’ai écrit quelques lignes en tête de l’édition spéciale faite pour la reprise actuelle de Marion De Lorme .

Ces lignes expliquent mon absence. Ces lignes disent ma reconnaissance pour vous, rare artiste et administrateur supérieur, et pour les grands talents du théâtre-français qui me prêtent leur concours. Vous lirez cette courte préface et vous comprendrez mon absence et mon regret. Un travail, que je ne puis interrompre, même un jour, me retient ici.

Mais, de loin et du fond de ma solitude, je vous envoie, j’envoie à mes chers et excellents auxiliaires, des remerciements émus. Dites-le leur, je vous prie.

Votre lettre, si honorable et si noble, écrite au nom de tous, m’a profondément touché. Recevez, je vous prie, mon plus cordial serrement de main.

Victor Hugo.


à Paul Meurice.

H-H, 5 février.

Cher ami, je vous envoie une lettre que M E Perrin m’a écrite et ma réponse. Y a-t-il lieu d’en publier quelque chose ? Vous en jugerez. Je me borne à vous faire la communication, mais vous savez mieux que moi ce qui convient. Je voudrais bien avoir 12 Marion De Lorme 12 Ruy Blas 12 année terrible illustrée . Mais voilà encore un ennui que je vous donne, à vous qui me charmez tous les jours avec votre Jeanne D’Arc , si noble, si fière, et si timidement hardie. Quelle saisissante entrée chez Baudricourt ! à vous. ex intimo.

V.


à Auguste Vacquerie.

H-H, 13 février.

Cher Auguste,

le même jour, dans le même numéro du rappel , vous faites lire à votre innombrable public deux pages sur Marion , la première forte et puissante, la seconde charmante, vive et cordiale. Votre superbe esprit déploie ses deux ailes, celle des profondeurs et celle des hauteurs. Que de grandes choses vous dites à propos d’Alceste et de Didier ! L’homme qui a fait le fils applaudit Marion De Lorme . Je suis ému et fier, et je vous envoie mon vieux cœur, ô poëte, ô maître.

V H.


à Paul Meurice.

H-H, 13 février.

Ce succès est à vous. Je le dois à votre glorieuse et douce amitié, à votre sollicitude, à votre science dramatique, à ce cœur si bon qui se mêle à votre haut esprit. Quand vous êtes présent, je ne suis pas absent. Ce triomphe est vôtre, et vous en êtes l’âme. Vous, l’un des plus rares maîtres de ce temps-ci, vous le créateur de tout un théâtre vivant, profond et charmant, vous me donnez la main par-dessus des gouffres de haines et de colères, et je vous dois d’avoir passé le pont de l’abîme. ô mon doux et cher Meurice, que je vous aime !

V.

Je ne sais pas si j’ai été clair dans mon billet d’hier. — lundi, à 4 h, en recevant le télégramme où Mlle Favart me demandait un encouragement, je lui répondis par ce distique : à Mlle Favart, 11 février 4 h après midi. Bel astre, ton lever m’envoie un pur rayon. Je vois d’ici Stella briller dans Marion. Mais je me suis borné à lui envoyer le second vers, n’osant pas charger d’un distique le bureau télégraphique anglais qui, dans la dépêche de Mlle Favart, avait écrit maison au lieu de Marion . Expliquez, je vous prie, à ma belle Marion, ma dépêche tronquée.


au même.

H-H, 14 février.

Je reçois votre douce lettre. Je vous répète que c’est par vous que tout va bien. Quant au roi s’amuse , je ne sais que dire. Il me paraît impossible de payer le dévouement de M Perrin à Marion De Lorme par ce compliment : donnez Coquelin à un autre théâtre. Qu’en pensez-vous ? Et en même temps je trouve aussi moi, Dumaine physiquement impossible. Que faire ? le roi s’amuse ne peut être joué sans un Triboulet. -cul-de-sac. — nul moyen de sortir de là. ô ma providence, conseillez-moi. — je reçois un excellent article de Pierre Véron dans le charivari . Je vous enverrai des premières pages pour les exemplaires de tous. Mais l’édition a-t-elle paru ? -si elle a paru, voulez-vous être assez bon pour faire porter le paquet d’exemplaires aujourd’hui même chez M Sandoz, 33, r de Seine. Il partira tout de suite. Autrement il y aurait retard d’un mois. Je vous serre dans mes bras. Il faudrait mettre sur le paquet de livres : aux soins de M Barbet, libraire, à Guernesey . Merci. Pardon.


au même.

H-H, 16 février.

Voici une lettre pour M Perrin et une pour Mlle Favart ; vous les approuverez, je pense ; si vous les approuvez, voulez-vous être assez bon pour les transmettre. Venant par vous, il me semble que ce sera mieux venu. — oui, je travaille, et en même temps, je lis ; je vous lis ; vous voyez qu’au labeur je sais mêler le bonheur. Je me donne la joie de posséder la pucelle, et votre Jeanne D’Arc m’appartient. Telles sont mes voluptés. -j’ai appris ce que vous avez fait pour Lanvin fils. Encore un remercîment. Mais depuis vingt-cinq ans, je ne les compte plus. Mme Drouet vous embrasse et vous aime. anch’io !

V.

Marion a-t-elle paru ? Est-il temps que je vous envoie les pages-frontispices ?


à Paul De Saint-Victor.

Hauteville-House, 20 février.

J’ai beau être au fond de l’ombre, la lumière vient jusqu’à moi. La lumière, c’est vous. ô cher grand écrivain, quelle belle page sur Marion De Lorme , à suspendre dans une galerie de gloire à côté de vos bas-reliefs sur Hernani, Lucrèce Borgia et Ruy Blas . Je ne saurais vous dire combien j’en suis ému. Maintenant que j’ai serré la main par qui tant de grandes et éloquentes choses ont été écrites, je suis plus touché encore qu’autrefois, car autrefois je n’étais, comme le premier venu, que votre lecteur ravi et charmé, et à présent je suis votre ami. Victor Hugo.

à bientôt, j’espère.


à Émile Augier.

Hauteville-House, 21 février. Monsieur, un ami m’envoie votre article sur Marion De Lorme . Je remercie cet ami. J’ai rarement été plus charmé qu’en lisant cette éloquente et profonde page où vous avez mêlé tant de vraie certitude philosophique à la plus haute critique littéraire. Je suis vieux et vous êtes jeune ; ceci ajoute pour moi un prix de plus à votre applaudissement. Je suis de ces partants qui aiment les arrivants. Recevez mon plus cordial serrement de main.

Victor Hugo.


à Paul Meurice.

H-H, 26 février.

Aujourd’hui, anniversaire de ma naissance, le peuple souverain m’apporte le vraiment beau sonnet de M Barillot. Cher Meurice, voulez-vous être assez bon pour lui offrir de ma part un exemplaire de Marion De Lorme avec le billet que voici. J’y ajoute, pour d’autres, quelques pages-frontispices. Si j’avais d’autres omissions à réparer, je compte sur votre bonté pour me les signaler. — j’ai reçu le ballot d’exemplaires. — que votre Jeanne devient émouvante ! L’intérêt va croissant à chaque ligne. Cette embuscade pétrifiée est superbe. ô mon doux ami, vous lire et vous voir, voilà les deux bonheurs de mon esprit et de mon cœur. au même.

H-H, 28 février.

Comme toujours et en tout, vous avez raison. Faites donc, cher ami, toutes les suppressions que vous indiquez, excepté pourtant Jean Aicard et Blémont, qui ont fait des articles dans l’égalité et dans la renaissance . N’est-ce pas votre avis ? Je n’ai pas reçu l’article de la république française . Voici du reste l’en-tête pour M Ranc, avec tous les autres que vous me demandez. Vous recevrez presque en même temps que cet envoi une prière que je vous adresse de donner pour moi 100 f à M Amédée Blondeau. Il est un peu gêné en ce moment, et malade. — Debonnay n’a pas fait d’article. — ô mon ami, voici le printemps. Vous souvenez-vous que vous m’avez presque promis de venir. Alice et Victor m’annoncent leur arrivée prochaine. Vous finiriez Lahire à Hauteville-House, et je vous lirais ce que je fais. Venez. Tous les bras s’ouvrent.


à Sarah Bernhardt.

6 mars.

C’est de tout cœur que je vous encourage dans votre étude de Marion De Lorme. Je vous envoie le consentement que vous désirez. Vous prouverez, je n’en doute pas, que vous avez toutes les puissances du talent comme vous en avez les grâces. Je baise les mains de ma charmante reine. Victor Hugo.


à Monsieur Marc Bayeux.

Hauteville-House, 7 avril.

Mon cher et cordial confrère, j’arrive d’une absence de quelques jours, je trouve votre lettre, je vous envoie pour l’excellente souscription du corsaire mon obole. Ce n’est qu’une obole, en effet, mais vous savez combien de détresses nous entourent, et de toutes parts on me fait l’immense honneur de s’adresser à moi, ce dont je suis fier, car cela me prouve qu’on m’aime un peu, et triste, car je ne puis faire ce que je voudrais.

Ma souscription n’est qu’une forme de mon adhésion. J’applaudis à la patriotique pensée du corsaire . Envoyer à Vienne les ouvriers français, c’est élargir le rayonnement de la France. Rien de plus utile, je dis mieux, rien de plus nécessaire. Vous savez combien j’apprécie votre talent et votre droiture ; recevez, cher confrère, mon meilleur serrement de main.

Victor Hugo.


à Paul Meurice.

H-H, 9 avril.

Conformément à vos indications, cher ami, je tire sur vous 20000 fr par l’intermédiaire des banquiers Heath and Co, de Londres. Je leur écris que le bon pourra vous être présenté à partir du 12 avril .

Vous savez tout arranger admirablement. Le théâtre-français prêtant Coquelin pour le roi s’amuse et la porte-saint-Martin prêtant Dumaine pour les burgraves , cela résoudrait la difficulté. Il serait bon que ce fût la conclusion. Chose excellente aussi, Frédérick Lemaître dans saltabadil. Je crois, sauf votre avis, qui est toujours ma loi, que sur ces bases, on pourrait terminer avec Mm Ritt et Larochelle. — autre point d’interrogation (? ) M Van Heddighem ? Qu’est-ce que c’est que son procès ? Le savez-vous ? J’ai remarqué le silence du peuple souverain et du rappel sur cette affaire. M Van Heddighem m’est favorablement connu, mais un peu superficiellement. Il m’écrit pour me prier de lui écrire une lettre qui soit pour lui une caution morale. le corsaire paraît l’avoir désigné comme homme de police. Je ne crois pas cela possible. Pourtant, je ne sais rien du procès. Pouvez-vous me renseigner ? J’attendrai votre réponse avant de répondre à M Van Heddighem. Votre pucelle entrant dans Orléans est une merveille. Quel succès vous avez ! J’en juge par Mariette qui est une bonne fille du peuple et qui adore votre livre comme si elle était un poëte. Le peuple vous applaudit. Mystérieuse affinité des grandes âmes et des grandes foules. Cher Meurice, que je voudrais donc vous avoir ici, ne fût-ce que huit jours ! Victor y viendra bientôt, j’espère, se refaire et achever sa convalescence dans nos fleurs. Tâchez donc de venir avec lui. Ces dames vous prient à mains jointes. ad te clamo ! j’espère finir d’ici à deux mois ce que je fais. Je tâche de n’être pas trop au-dessous de ce que je lis. Ce que je lis, c’est vous.

V.

Remercîment pour les Lanvin à vous, et à nos chers amis du rappel. Madame Drouet vous embrasse.


au directeur de Paris à l’eau-forte.

Hauteville-House, 12 avril.

Paris à l’eau-forte est une publication exquise et superbe, c’est un mélange de la mode et de l’histoire ; c’est un portrait de la ville en même temps qu’un tableau du siècle ; plumes et burins rivalisent de verve et de couleur : je crois à un très grand succès. J’applaudis et je remercie le brillant groupe de talents et d’esprits qui fait cette œuvre à la fois magnifique et délicate ; je suis fier et heureux que Marion De Lorme ait sa page dans ce beau livre, et une page si charmante. Victor Hugo.


à Madame Edgar Quinet.

H-H, 14 avril.

C’est une belle chose, madame, qu’un esprit appuyé sur un cœur, et pas d’esprit plus grand que celui de Quinet, pas de cœur plus noble que le vôtre. Vous jugez avec quelle émotion je lis votre livre plein de tout ce que j’aime et de tout ce que j’admire, plein de Paris, de la France, de Garibaldi, de Quinet, de vous. J’y suis nommé, et j’en suis fier. Quelle belle âme vous êtes, et que de pages éloquentes. Quant à moi, non certes, je ne désespérerai pas, tant qu’il y aura des villes comme Paris, des peuples comme la France, des hommes comme Quinet, et des femmes comme vous. J’embrasse votre illustre et cher mari, et je mets à vos pieds tout mon respect, madame.

Victor Hugo.

Hélas non, je n’ai pas reçu la république de Quinet.


à Jules Simon, ministre de l’instruction publique et des beaux-arts.

Hauteville-House, 29 avril.

Mon cher Jules Simon, je vous recommande la veuve d’Albert Glatigny. Albert Glatigny était un talent charmant. Il était de cette race de comédiens-poëtes qui commence à Thespis et arrive à Molière. Plusieurs des pages qu’il a laissées entreront dans l’anthologie française. Il y avait dans cette âme de poëte des côtés exquis et généreux. Le voilà mort. Il laisse une veuve pauvre. Vous consolerez cette tombe en secourant cette veuve. Je vous demande une pension pour Mme Glatigny, et je vous serre la main.

V H.


à Paul Meurice.

H-H, 30 avril.

Comme toujours votre avis fait loi pour moi. Donc j’accepte Dumaine. Vous pouvez, quand vous vous rencontrerez avec Mm Ritt et Larochelle, le leur dire. Il n’y a pas d’ailleurs autre chose à faire. Dumaine a un vrai talent, et je suis convaincu qu’il se fera accepter par le public dans Triboulet, comme il est accepté par moi. Frédérick jouera saltabadil. Qui jouera Blanche ? Mme Judith Mendès me recommande M Marc pour le rôle de st-Vallier. Quel est votre avis ? — j’ai écrit à Jules Simon pour Mme A Glatigny. Je vous envoie copie de ma lettre. Vous pouvez la montrer à Mme Glatigny. — me voilà soupirant après Jeanne D’Arc . Quand nous la rendrez-vous ? Il y a du reste beaucoup de talent et d’observation dans riches et pauvres . — mon Victor va mieux. Il me viendra, j’espère. Et vous ? — merci pour toutes les choses bonnes, charmantes et utiles, que vous m’écrivez. Je vous envoie tout mon vieux cœur, o dulcissime !


à Robelin.

Hauteville-House, 1 er mai.

Mon bon Robelin, je vois bien qu’il faut que je finisse par me confesser à vous. Je le fais de bonne grâce. Seulement, gardez-moi le secret. Vous seul allez connaître ma situation à fond. La voici : à la suite d’une liquidation désastreuse, j’ai dû prendre avec la banque nationale de Belgique les engagements que vous allez voir : j’ai payé :

1 le 1 er janvier 1873 : 33500 fr

je paierai :

2 le 1 er septembre 1873 : 33500
3 le 1 er mars 1874 : 33500
4 le 1 er septembre 1874 : 33500
5 le 1 er mars 1875 : 33500
6 le 1 er septembre 1875 : 33500

égal 201000 fr. à ces 67000 fr par an, ajoutez :

1 je donne à Victor : 12000 fr
2 je donne à Alice : 12000
3 je donne pour Adèle : 8000

égal 32000 fr par an.

Ces 32000 francs joints aux 67000, font 99000 francs par an. À ces 99000 francs ajoutez une petite institution que j’ai fondée ici pour l’enfance et qui me coûte par an 8000 fr. Cela fait 107000 francs que j’ai en ce moment à donner par an, avant de dépenser un liard pour moi-même et pour la maison. vous voyez que mes embarras, hélas ! valent bien les vôtres. heureusement j’ai eu l’année terrible et Ruy Blas l’an passé, et j’ai cette année Marion De Lorme, et j’aurai, je pense, l’année prochaine, le roi s’amuse . Sans quoi, je ne m’en tirerais pas . Néanmoins, cher vieil ami, ne soufflez mot de tout cela, et plaignez-moi de ce que je suis si empêché et surtout de ce que je ne puis vous venir en aide . Votre hôtesse de l’an passé vous envoie ses plus affectueux souvenirs, et moi je vous embrasse de tout mon cœur.

Victor Hugo.


à Philippe Burty.

Hauteville-House, lundi 5 mai.

Mon cher et charmant confrère, arrivez ! Ma maison est en désarroi ; mais vous pourrez loger dans un petit house-family en face de ma porte, et votre couvert sera mis à mon humble table matin et soir. Venez vite, je vous tends la main pour enjamber la Manche. Votre ami. V H.


à Raoul Lafagette.

H-H, 5 mai.

Mon jeune et vaillant confrère, je ne connais pas M L Chevalier, voici un mot pour le fils de M Hetzel (le père est absent). Je vous écris bien vite, car je comprends votre impatience, les jeunes aigles ont hâte de s’envoler. Je vous envoie tous mes vœux de succès. V H.


à Monsieur Hetzel fils.

5 mai.

Cher Monsieur Hetzel, en l’absence de votre père, je vous adresse un poëte, M Lafagette. M Lafagette est un homme d’un vrai et robuste talent. Il a un volume de vers à publier ; comme moi quand j’ai commencé, il veut publier son livre à ses frais ; mais il voudrait un éditeur ami, que je n’ai pas eu, moi, jadis. J’adresse M Lafagette à votre père ; j’affirme le talent et je crois au succès.

Recevez mon plus affectueux serrement de main.

Victor Hugo.


à Edgar Quinet.

H-H, 14 mai.

ô mon Quinet, j’aime votre beau livre. Je l’ai. Je le lis. Je le relirai. Il sera désormais un de mes bréviaires. Que de choses dites, grandement dites, à tout jamais dites ! avantages de la calomnie, comme c’est puissant, fier et vrai ! Et tout est comme cela ! Vous, et votre noble femme, vous faites revivre les âmes, aujourd’hui si abaissées. Je bénis son livre, je vénère le vôtre. tuus sum.

V H.


à Émile Blémont, directeur de la revue la renaissance.

30 mai.

Mon jeune et cher confrère, j’envoie à nos vaillants et gracieux amis de la renaissance mon obole pour notre cher Albert Glatigny. la renaissance me charme, et je lis avec bonheur cet éloquent et spirituel journal. Dites-le à nos amis. Vous êtes chef dans la jeune légion des esprits qui sont aujourd’hui l’honneur de cette fin de siècle. Vous êtes une de ces âmes de lumière que j’aime.


à Paul Meurice.

H-H, 9 juin.

Ce matin, à midi et demi, j’ai écrit la dernière ligne du livre quatrevingt-treize . Je l’ai écrite avec la plume qui vous écrit en ce moment. Ce premier ouvrage est un commencement d’un grand tout. Ne sachant pas si j’aurai le temps de faire toute l’immense épopée entrevue par moi, j’ai toujours voulu peindre cette première fresque. Le reste suivra. deo volente. cela sera intitulé : quatrevingt-treize. premier récit : la guerre civile . C’est la Vendée. — cela aura, je crois, deux volumes. Si vous étiez ici, mon doux et admirable ami, je vous en lirais. Vous viendrez, j’espère. Je tiens à vous annoncer mon accouchement. De là cette lettre écourtée. Je vous écrirai bientôt plus longuement. D’après votre indication, je tirerai sur vous, vers le 15, 7000 fr. — quant à Rochefort, je me range à votre avis. Il faut attendre et observer. écrire à Thiers serait stérile. M Jean Destrem devrait voir M Edmond Adeur, qui est de bon conseil. — à bientôt, et ici, j’espère.

amo te.

ama nos.


à Auguste Vacquerie.

H-H, 9 juin.

Cher Auguste,

il y a douze ans, dans ce même mois des fleurs, le matin du 30 juin, si j’ai bonne mémoire, je vous annonçais que je venais, dans la matinée même, de finir les misérables . Le soir de ce jour 30 juin, un phénomène prédit par vous dans le mémorable livre profils et grimaces , éclatait là-haut au-dessus de nos têtes. Aujourd’hui, il n’y aura pas de phénomène en haut, ni en bas non plus ; seulement, comme le 30 juin 1861 je vous annonçais que je venais d’achever les misérables , aujourd’hui 9 juin 1873, je vous annonce que je viens de terminer le livre commencé il y a six mois, quatrevingt-treize . Je tiens à maintenir cette habitude, et mon esprit, quand il accouche, envoie une lettre de faire-part à votre esprit. Ce livre aura pour titre : quatrevingt-treize première série. — la guerre civile. voici ma lettre de faire-part envoyée. Il me reste à vous dire que tout ce que vous écrivez fait ma joie, et souvent ma consolation. Je suis profondément votre ami.

V H.

Ce n’est en effet que la première partie d’un tout qui serait colossal si j’avais le temps de le réaliser, mais je ne l’aurai pas. Enfin, ceci sera toujours fait. Mes hommages à Mesdames Lefèvre. Si vous veniez ici cet été, je vous en lirais.


à François-Victor.

H-H, 9 juin.

Mon bien-aimé Victor,

je tiens à t’annoncer la mise au monde d’un nouveau frère que tu as dans l’ordre idéal, c’est-à-dire d’un livre de moi. J’ai fini ce matin le livre quatrevingt-treize , commencé le 16 décembre. Ce n’est qu’un premier récit, la guerre civile (cela peint la Vendée), le reste suivra pour peu que j’aie encore un peu de temps devant moi. Je t’écris cela pour que tu te dépêches de venir, car si tu étais ici, je crois que Meurice viendrait, et je vous lirais quelque chose de ce livre, dans l’intimité étroite, bien entendu. Je sais que tu vas de mieux en mieux et que les médecins te conseillent l’air de la mer. L’air de Guernesey est ce qu’il te faut, le souffle de l’océan et le souffle des fleurs, l’air à la fois salé et embaumé, diablement vivifiant. Arrive, mon fils bien-aimé, arrivez Alice, arrivez Georges, Jeanne. Ces dames vous appellent et je vous serre dans mes vieux bras.

Papapa.


à Paul Meurice.

H-H, 15 juin.

Cher ami,

vers le 17 ou le 18, Victor vous présentera un bon de 4850 fr et ém Allix un bon de 1500 fr en tout, et ensemble, 6350 fr à valoir sur les droits de Marion De Lorme pour moi. Vous devriez bien effectuer avec Vacquerie un bris de prison et arriver tous les deux à Hauteville-House par escalade et effraction. Est-ce que Lockroy et D’Alton ne pourraient pas vous suppléer pendant votre absence ? C’est risqué, ce que je dis là, mais j’ai une telle soif de vous voir. Savez-vous que voilà près d’un an que je n’ai serré votre main, doux ami, doux maître ! — oh ! Venez !

V.

quatrevingt-treize appelle Jeanne D’Arc .


à François-Victor,

villa Montmorency. dim 15 juin.

Je pense, mon Victor, qu’il vous sera agréable à Alice et à toi de recevoir ton trimestre (1 er juillet-1 er octobre) un peu d’avance. Voici le compte : 1 ton trimestre : 2975 2 trimestre d’Alice : 3000 3 mon tiers du loyer rue Drouot échéant le 15 juillet : 375 égal 6350 sur lesquels Meurice m’écrit que tu as prélevé chez lui : 1500 fr reste dû par moi : 4850 que je t’envoie sous ce pli en un bon sur Paul Meurice. Tu vas de mieux en mieux, vous allez nous arriver, mes bien-aimés enfants, et vous pourrez économiser ici presque tout votre trimestre. économie pour vous, bonheur pour moi, ce sera agréable pour tout le monde. écrivez-moi votre arrivée huit jours d’avance pour que Hauteville-House fasse son branle-bas de bienvenue. Je t’embrasse tendrement, mon Victor, et notre chère Alice, et nos deux petits anges dans lesquels mon Charles revit. à bientôt, à tout de suite. Ces dames vous appellent à grands cris. Vous aurez soin, n’est-ce pas, d’acquitter le loyer de la rue Drouot avant votre départ ? Je t’embrasse encore, mon fils bien-aimé.


à Messieurs Ritt et Larochelle.

Hauteville-House, 29 juin.

Messieurs, j’ai reçu votre honorable et excellente lettre. M Paul Meurice, mon ami, qui a passé quelques jours chez moi, veut bien se charger de vous porter cette réponse. J’accepte la distribution que vous m’offrez, sauf les améliorations qu’elle peut comporter, et que vous pourrez faire d’accord avec M Paul Meurice. Quant aux questions de droits et d’intérêt, je souscris d’avance à tout ce qui sera convenu à ce sujet entre M Paul Meurice et vous.

Croyez à ma vive cordialité.

Victor Hugo.


à Paul Meurice.

H-H, 3 juillet.

Cher Meurice, je suis votre débiteur. Voulez-vous me permettre d’augmenter ma dette de 50 francs que je vous prie de remettre à M Millaud, représentant. Il s’agit d’aider Mme Rastoul à aller rejoindre son mari. Pardon et merci.

Victor Hugo.


au même.

H-H, 7 juillet.

Que c’est doux une lettre de vous ! C’est comme si l’on vous entendait causer. Rien de plus charmant. Je vous réponds bien vite. D’abord, je suis content qu’Ernest Lefèvre soit à peu près hors de danger, c’était trop bête aussi. Il est vrai qu’ils sont facilement bêtes, témoin le roi s’amuse supprimé. Va donc pour Marie Tudor . Je crois que Marie Tudor sera plus aisément bien jouée que le roi s’amuse . Je ratifie tous vos choix. Mme Laurent m’a écrit, je lui réponds que je lui donne le rôle. Si c’est toujours votre avis, voici ma réponse, soyez assez bon pour la lui envoyer. Je pense comme vous à Dumaine pour Gilbert. Seulement ses proportions exigent une Jane un peu étoffée. Mlle Dica-Petit serait peut-être bien mince en regard de Dumaine ? Qu’en dites-vous ? Si c’est votre avis, choisissez ce qui vous paraîtra le mieux dans les autres noms que vous m’envoyez. Pour tout le reste, je suis d’accord avec vous, et ce que vous ferez sera bien fait. à quel pilote me fierai-je, si ce n’est à vous, qui êtes en même temps boussole et étoile. Nous passons notre temps à parler de vous et à vous regretter. à bientôt. Nous vous embrassons. On peut mener Marie Tudor aussi vite qu’on voudra. Dites-le de ma part à Mm Ritt et Larochelle. tuissimus.

V.


à Raoul Lafagette.

Hauteville-House, 7 juillet.

Mon cher poëte,

j’étais absorbé par ce travail que les anciens appelaient improbus , et vous êtes de ceux auxquels on doit toute sa pensée quand on les lit ; de là mon long silence. Enfin j’ai été libre et je vous ai lu. Votre livre est robuste et charmant ; un souffle de justice et de vérité le traverse d’un bout à l’autre ; vous voyez la nature par ce grand côté, la volupté ; c’est le droit de votre jeunesse. Nous autres, dont la vie et l’épreuve ont fait des philosophes, nous acceptons ce rayon de lumière qui vous éblouit, mais nous voulons aussi l’autre rayon, le mystère. Le mystère est une lumière. Comme la joie. Il est l’autre aspect de l’amour. L’amour est voluptueux, oui, mais il est mystérieux. De là son immensité. Vous m’avez adressé de bien beaux vers. Tout votre livre est un hymne éclatant. Courage. Je salue votre jeune et noble esprit.

Victor Hugo.


à Auguste Vacquerie.

H-H, 10 juillet.

Cher Auguste,

c’est à moi de vous remercier, non seulement de ce que vous dites pour moi, mais de ce que vous dites pour tous. Des pages comme les vôtres sont des actes. Tous les jours votre plume livre et gagne la bataille de la vérité. ô puissant lutteur, courage !

V.

Mes hommages et toutes mes espérances à Mesdames Lefèvre. Ernest Lefèvre sera certainement mis en liberté. Cette fois, les gens de Versailles se contenteront d’avoir été bêtes. — féroces sera pour une autre occasion. — que je voudrais vous serrer la main ! à bientôt, n’est-ce pas ?


à Paul Meurice.

H-H, 11 juillet.

Doux ami,

décidez. Mme Jane Essler m’écrit pour me demander Jane. Vacquerie l’appuie. Si c’est votre avis, et si les directeurs du théâtre l’agréent, je lui donnerais bien volontiers le rôle. Si vous croyez le oui possible, soyez assez bon pour lui transmettre (r de Miromesnil, 86) la lettre que voici.

Que vous êtes bon de m’avoir envoyé déjà tous ces détails sur la salle de la convention. Si c’est le théâtre que j’ai vu et où j’ai assisté à une représentation, il n’était pas immense comme le croit M Challamel, ni petit comme le dit Michelet. Mais est-ce la même salle ? J’en doute. à vous profondément.

V.


au même.

H-H, 29 juillet.

Que vous êtes bon ! Voici nos arrangements. Nous partons demain 30 par Cherbourg, et nous arriverons peut-être en même temps que cette lettre. Mme Drouet me donne une chambre au 4 e de sa maison ; peut-être accepterai-je pour Mariette (deux ou trois jours) votre offre hospitalière de la chambre de Clémence. Puis nous irons, le plus tôt possible, habiter Auteuil. Je n’emporte pas les quatre vents de l’esprit , la copie n’étant pas complète ; mais je puis toujours en huit jours avoir le manuscrit. Je crois du reste qu’il faut commencer par quatrevingt-treize , et c’est aussi votre avis ; prose après vers. Il m’est fait des offres ; je vous en parlerai. — j’espère trouver Victor mieux. J’ai la fièvre de vous revoir tous. ô mon doux ami, que vous êtes admirable, et comment faire pour vous remercier de tout, depuis la bonne hospitalité que vous m’offrez, jusqu’à la ravissante histoire que vous me faites lire ! à bientôt. à tout de suite.

V.


à Madame D’Alton Shee.

1 er août.

Avez-vous trouvé mon nom, à votre porte, madame ? Mon nom venait se jeter à vos pieds, et vous demander une grâce. Soyez assez bonne pour venir dîner avec nous (chez Victor, Auteuil, villa Montmorency ) mardi 5 août, à sept heures, je serai bien heureux de me mettre à vos pieds, et de redire à mon cher D’Alton combien je suis son ami.

Victor H.

Un bon oui , n’est-ce pas ?


à Paul Verlaine.

premiers jours d’août.

Mon pauvre poëte,

je verrai votre charmante femme et lui parlerai en votre faveur, au nom de votre tout petit garçon. Courage et revenez au vrai.

V H.


à monsieur le duc Albert De Broglie, président du conseil des ministres.

Auteuil, villa Montmorency, 8 août.

Monsieur le duc et très honorable confrère,

c’est au membre de l’académie française que j’écris. Un fait d’une gravité énorme est au moment de s’accomplir. Un des écrivains les plus célèbres de ce temps, M Henri Rochefort, frappé d’une condamnation politique, va, dit-on, être transporté dans la Nouvelle-Calédonie. Quiconque connaît M Henri Rochefort peut affirmer que sa constitution très délicate ne résistera pas à cette transportation, soit que le long et affreux voyage le brise, soit que la nostalgie le tue. M Henri Rochefort est père de famille et laisse derrière lui trois enfants, dont une fille de dix-sept ans. La sentence qui frappe M Henri Rochefort n’atteint que sa liberté, le mode d’exécution de cette sentence atteint sa vie.

Pourquoi Nouméa ? Les îles Sainte-Marguerite suffiraient. La sentence n’exige point Nouméa. Par la détention aux îles Sainte-Marguerite, la sentence serait exécutée et non aggravée. Le transport dans la Nouvelle-Calédonie est une exagération de la peine prononcée contre M Henri Rochefort. Cette peine est commuée en peine de mort. Je signale à votre attention ce nouveau genre de commutation.

Le jour où la France apprendrait que le tombeau s’est ouvert pour ce brillant et vaillant esprit serait pour elle un jour de deuil. Il s’agit d’un écrivain, et d’un écrivain original et rare. Vous êtes ministre et vous êtes académicien, vos deux devoirs sont ici d’accord et s’entr’aident.

Vous partageriez la responsabilité de la catastrophe prévue et annoncée ; vous pouvez et vous devez intervenir ; vous vous honorerez en prenant cette généreuse initiative, et, en dehors de toute opinion et de toute passion politique, au nom des lettres, auxquelles nous appartenons vous et moi, je vous demande, monsieur et cher confrère, de protéger dans ce moment décisif M Henri Rochefort et d’empêcher son départ qui serait sa mort.


à Paul Meurice.

vendredi matin 8 août.

Nous étions aux champs-élysées, une brusque et violente attaque de goutte m’a forcé de ramener au gîte la pauvre malade torturée. Voulez-vous, Auguste et vous, me donner ma revanche et ma consolation ? Venez tous les deux dîner avec moi, chez moi, au besoin dans ma chambre, (villa Montmorency, avenue des sycomores, n 5) dimanche 10 (après-demain) à sept heures. Nous serons seuls , et nous causerons. Lockroy déjeune ce matin avec moi, Camille Pelletan dîne avec moi ce soir, et D’Alton Shée demain samedi. J’aurai évidemment bien des choses à vous dire. à vous, passionnément.

V.


à Léon Cladel.

23 août.

J’ai lu votre livre, tout imprégné de vie et de vérité. Vous êtes un robuste esprit, nourri dans la lumière. Courage, car vous aurez à souffrir, étant dans le vrai. Il faut que l’écrivain soit un juste. Vous subirez vaillamment toutes les conséquences de votre fonction. Je vous remercie de m’avoir dédié une des plus belles pages de ce brave et bon livre.

Votre ami.

Victor Hugo.


au même.

23 août.

Mon jeune et cher confrère,

je vous écris coup sur coup, mais c’est que votre " Hercule " est vraiment bien beau. Le coup de foudre final fait plus que briser le cœur, il le serre. On sent derrière cette mort la pauvre femme qui va mourir de faim. Quel contre-coup ! Je vous remercie d’avoir attaché mon nom à cette page tragique et puissante, et je suis votre ami. Victor Hugo.


à Paul De Saint-Victor.

Paris, 25 août.

Vous voulez donc voir ma maison, cher grand écrivain. Vacquerie me communique votre lettre. Hauteville-House n’est maintenant qu’une masure ; trois ans d’absence, cela ruine un logis ; tout est en loques, les tentures tombent, les dorures s’en vont, la chambre que j’habite est un galetas, la maison d’ailleurs n’a jamais été finie ; cela dit, allez-y, et surtout quand j’y serai, venez-y. Victor est mieux en ce moment ; j’espère que l’été prochain le verra à Hauteville-House et vous y verra aussi. Je serre la main qui a écrit tant de belles et nobles pages. — à bientôt. Victor H.


à Jules Claretie.

Bruxelles, 31 août.

Je vous remercie de m’avoir fait lire vos belles pages sur la guerre et votre livre patriotique et émouvant. Un souffle de progrès vivifie votre généreux esprit. Un drame poignant n’est qu’un drame ; si de hautes idées humaines et sociales y sont mêlées, c’est une œuvre. Vous êtes digne de combattre la réaction favorisée par l’empire, et reparaissant aujourd’hui, en littérature comme en politique, sous tous ces pseudonymes , bon ordre, bon goût, etc., mots qui sont des mensonges... ceci que je souligne, récemment écrit par moi, a fait grincer de colère tous les journaux absolutistes, français, belges, anglais, et c’est un succès qui m’encourage et qui vous encouragera aussi. Continuez. Vous êtes une âme vaillante en même temps qu’un charmant esprit. Vous avez la bravoure et le talent ; c’est-à-dire l’échelle pour monter à l’assaut et l’épée pour entrer dans la place.


à Paul Meurice.

dimanche midi 28 septembre.

ô mon admirable ami, comme vous trouvez de magnifiques paroles ! Comme les grandes pensées sortent à flots de votre grand cœur ! Merci pour cette superbe page sur Marie Tudor . C’est aujourd’hui dimanche. Rappelez-le à Auguste. Nous vous attendons à dîner chez mon fils, et nous réclamons énergiquement Madame Meurice. Je vous envoie un peu de raisin. Et puis toute mon âme est à vous. — à ce soir 7 h.

V H.


à Edgar Quinet.

2 octobre. Auteuil.

Illustre ami,

vos deux âmes sont dans ces deux lettres, deux rayons ! Je suis ému ; je serre la main qui a écrit l’une, je baise la main qui a écrit l’autre. Victor Hugo.


à Monsieur é De Biéville.

dimanche 5 octobre.

Mon gracieux et cher confrère,

j’ai lu votre remarquable page sur Marie Tudor . Vous savez combien m’est précieuse la sympathie d’un esprit élevé comme le vôtre. Je voudrais bien vous serrer la main. Soyez assez bon pour venir dîner avec moi en famille 20 rue Drouot mercredi prochain 8 octobre à sept heures. Je serai bien heureux de causer avec vous, et de vous redire combien je suis votre ami. Un bon oui n’est-ce pas ? Merci d’avance et à vous du fond du cœur.

Victor Hugo.


à Paul De Saint-Victor.

7 octobre.

On ne pourra refuser à mes œuvres ce mérite de vous avoir inspiré plusieurs des plus grandes pages qu’on ait écrites dans notre temps. Cher maître de la critique et de l’art, je viens de lire votre magnifique étude de Marie Tudor . Vous allez au fond de tout, et vous allez au sommet de tout ; privilège des plongeurs et des esprits. Je voudrais vous voir souvent, causer avec vous, aimanter mon âme au contact de la vôtre. Au moins donnez-moi une heure de temps en temps. Me voilà rentré à Paris, rue Drouot, 20. Voulez-vous me faire la grâce de venir dîner avec moi, avec nous, car nous vous aimons tous, lundi prochain 13, à sept heures. J’ai tant de douceur et de joie à vous serrer la main.

Victor Hugo.


à Théodore De Banville.

23 octobre.

Je viens de lire votre livre exquis. Vous êtes, comme Virgile et Théocrite, un maître d’harmonie, de grâce et de beauté. Quelle grande âme il y a dans ces vers charmants ! Cher Banville, vous êtes la douce lumière de ce puissant siècle. Je vous aime du plus profond de mon cœur. Votre cher enfant va-t-il mieux ? Le mien se soutient dans la voie de la convalescence. Que je serais heureux de causer avec vous ! Voulez-vous venir dîner avec nous, 20, rue Drouot, un jour de la semaine prochaine ? Si vous le pouvez, choisissez vous-même le jour (à sept heures, jeudis et dimanches exceptés), et écrivez-moi votre choix. J’inviterais les frères Lyonnet. Tâchez de pouvoir venir et aimez-moi. Je vais me remettre à relire votre livre. au fond des bois chante le rossignol.

Victor H.


à Paul Meurice.

8 novembre.

Cher Meurice,

je vous envoie copie de la lettre que m’écrit M Michaëlis. En même temps il m’envoie 11330 fr dont je lui accuse réception. Je tiens ces 11330 fr à la disposition du rappel , auquel j’entends remettre toutes les sommes que me transmettra M Michaëlis, versement par versement, jusqu’au paiement intégral des 40000 francs remboursés par moi pour les quatre vents de l’esprit . à demain, chez Auguste. — à toujours, ami ! V H.

J’ai remis hier à Claye la fin du tome 1 er de 93, à clicher.


à Louise Colet.

10 novembre, Paris.

Vous m’avez adressé de belles et puissantes strophes, naturellement impossibles à publier, vu l’état de siège et l’imbroglio (étymologie, broglie ) dans lequel nous barbotons. Quel noble et grand esprit vous êtes ! Vous luttez, vous vaincrez. Hélas ! Moi je suis garde-malade. De là, mon absorption et mon silence. Dès que Victor ira mieux, je le mènerai dans le Midi : là nous serons près de vous, et j’aurai, j’espère, le bonheur de vous baiser la main, vaillante muse. à vous. con todo mi corazon.

V H.


à Paul Meurice.

lundi 17 novembre.

Cher Meurice,

je crois que décidément la meilleure rectification est celle-ci : s’il y avait mille fusils dans le bois... il y a une petite erreur dans le reçu du rappel que voici : la somme que Michaëlis m’a remise et que j’ai tenu à honneur de transmettre au rappel sans en distraire un centime est onze mille 330 francs et non dix comme il est dit par mégarde dans le reçu. Voulez-vous être assez bon pour prier Ernest Lefèvre de rectifier l’erreur. Merci et pardon. à vous de toute âme.


au même.

5 décembre.

Cher ami,

mon ourserie recule devant Marion De Lorme ce soir. Je mets ma loge aux pieds de Madame Meurice. Voulez-vous être assez bon pour la lui offrir de ma part. Si nos amis du rappel désirent des places, en voici. Voulez-vous avoir la grande bonté de les leur transmettre de ma part ? vale, et ama nos.

V.


au même.

lundi matin 8 décembre.

Cher Meurice,

une erreur déplorable de Mme Chenay dans le numérotage de sa copie crée un déficit de 100 pages dans le tome 3 que je croyais le plus fort. Je m’en aperçois à l’instant. Que faire ? J’aurais bien besoin d’en causer avec vous. Je suis bêtement exaspéré de la bêtise de la copiste ; mais cela ne remédie à rien. Je courrais chez vous, si je n’avais Berru à déjeuner, ce qui me cloue ici. Voulez-vous venir déjeuner avec moi (et lui, mais nous causerons tout de même). J’aurais bien besoin d’un bon avis, et vous êtes la source de secours et de salut. à vous.

V.


au même.

samedi 13 décembre.

Cher Meurice, je vous envoie quatre feuilles dont trois bon à tirer . Demain je vous enverrai, pour le t ii, la Vendée, dont la copie a pris du temps, et pour le t iii, le second tiers du volume. Que de peines je vous donne ! M Michaëlis a touché le 1 er décembre pour moi un peu plus de 18300 fr (j’oublie la fraction). Il m’a remis seulement 15000 fr. Le surplus est-il sa commission ? De mon côté j’ai déjà payé, en remboursement des 40000 au rappel 11330 fr ; je voudrais compléter pour ce mois-ci 24000 fr (il restera à payer par moi, en janvier, 16000 pour que le remboursement soit complet). Pour parfaire ces 24000, il faudrait que mon deuxième versement fût de 12670 fr. Si vous voulez être assez bon pour me dire à combien se monte mon droit d’auteur pour octobre sur Marie Tudor , j’y ajouterais la somme nécessaire pour compléter les 12670 et vous pourriez, cher ami, verser le tout en mon nom entre les mains de M Ernest Lefèvre pour le rappel . Au reste, nous dînons tous ensemble rue Pigalle demain dimanche, ne l’oubliez pas. Et je vous aime bien.

V H.


à Edgar Quinet.

29 décembre.

Cher Quinet,

je sens près de mon cœur votre grande âme. Je saigne, vous rayonnez sur ma blessure. Mon bien-aimé fils vous aimait. Je baise les mains de votre noble femme. Je suis accablé, mais vous savez que j’ai foi. Je crois à l’immortel moi de l’homme comme à l’éternel moi de Dieu. Donc nous nous reverrons tous, et je retrouverai mes bien-aimés. à vous ex imo .

V.


à Paul Meurice.

30 décembre.

Cher ami,

vous ne me désapprouverez pas. Je maintiens, page 230, au nom de la république parce qu’ici la formule rigoureusement légale doit céder le pas à la pensée de Cimourdain. Le peuple français existait avant la république, et c’est pour la république que Cimourdain tue Gauvain. Il voit l’idée, la république, il ne voit plus le fait, la France . C’est ce qui le fait Brutus-pire ou plus grand. à vous.

V.


au même.

H-H, dimanche.

D’après vos indications, je tire sur vous, avec votre permission, neuf mille francs à vue, par l’intermédiaire de Mm Heat and Co, les banquiers de Londres. Je tirerai sur vous pour le surplus, un peu plus tard, si ce petit délai ne vous dérange pas. — le bon de 7000 fr pourra vous être présenté à partir du 14 mai. — vous avez admirablement mené dans le peuple souverain et dans le rappel la campagne électorale. — je pense que tout est conclu pour le roi s’amuse , et que je peux répondre à M Dumaine qui m’avait écrit pour me demander Triboulet. Cependant je fais passer la lettre par vous, cher maître et guide. Soyez assez bon pour la lire, et envoyez-la, si vous croyez qu’il faut l’envoyer. Avez-vous quelque conseil à me donner pour M Marc qui demande Saint-Vallier ? Et M Van Heddighem ? Je ne puis m’empêcher de vous espérer ici, dulcissime . Un ajonc m’a piqué au talon, un ajonc n’est pas une vipère, et je n’en suis pas mort comme Eurydice ; mais j’ai eu un bobo dont un coup de lancette a été le dénouement ; maintenant c’est fini, sinon que je serai encore deux ou trois jours sans marcher, ainsi moi, l’homme toujours debout, me voilà gisant. J’en ris et j’en rage. Mais je vous aime bien.


à François-Victor.

mon enfant bien-aimé,

je ne suis pas venu hier soir, de certaines rencontres m’étant très difficiles. Je savais du reste par émile Allix, que j’avais vu le matin, que tu allais de mieux en mieux, et que, ta douleur de hanche disparue, tu n’aurais plus rien. Je te verrai aujourd’hui, mon Victor, et j’aurai la joie de t’embrasser, ainsi que nos petits, et ma bien chère Alice, que j’aime tous les jours davantage.

Papa.