1863.


À Auguste Vacquerie[1].


H.-H., 1er janvier [1863].

Voici, cher Auguste, un croquis de la Moselle. Nous avons tant parlé dans ce voyage de vous, si désiré et si regretté, qu’en somme il faut bien que vous en soyez un peu. Ceci vous représente le burg d’un chevalier voleur appelé Zorn. J’ai fait ce dessin dans le bac en passant la Moselle. Je le détache pour vous de mon carnet. C’est mon bonjour bon an. Vous avez été bien admirable pour moi cette année. Les Misérables vous doivent le jour autant qu’à moi. Je n’ai fait que faire le livre, vous, vous l’avez publié. Sans vous, et sans Meurice, en vérité, ce Léviathan n’eût pu être lancé à la mer.

Maintenant, à votre tour, la grande œuvre ! J’attends et j’applaudis dans mon trou.

Offrez mes vœux et mes hommages à toutes vos femmes, grandes et petites. Et je vous embrasse.

V.

Meurice est-il à Paris ? ou à Bruxelles ? Voudriez-vous lui transmettre ceci ?[2]

À Albert Lacroix.


10 janvier 1863.

Vous me demandez une réponse définitive[3] ; mais cette réponse ne peut être qu’un ajournement pour vous comme pour tous les autres éditeurs qui veulent bien me faire des offres. Et voici pourquoi : — Je suis au seuil d’un très grand ouvrage à faire. J’hésite devant l’immensité, qui en même temps m’attire. C’est 93. Si je fais ce livre, et mon parti ne sera pris qu’au printemps, je serai absorbé. Impossibilité de publier quoi que ce soit jusqu’à ce que j’aie fini. Il m’est donc impossible de me lier. J’ai bonne volonté absolue, et pour vous c’est une affection véritable, mais vous voyez que je ne peux qu’ajourner. Si je ne fais pas ce volume, (Eheu ! labuntur anni), au printemps nous reparlerons[4].


À Mme  Victor Foucher[5].


13 janvier 1863.

Je demande à Julie la permission d’ajouter quelques lignes à sa lettre. Chère Mélanie, je n’ai pas beaucoup le temps d’écrire, mais mon vieux cœur garde ses vieilles tendresses, et vous êtes toujours pour moi la sœur chère dont je souhaite le bonheur. Vous vivez aujourd’hui, comme moi, dans l’attente d’une vie meilleure. Le plus beau nom de la mort, c’est Espérance.

Je vous embrasse bien cordialement, chère sœur.

Victor H.[6]
À M. de Bieville[7].


Hauteville-House, 21 janvier 1863.
Monsieur,

En vous adressant l’expression de ma vive gratitude, permettez-moi de mêler une observation au remerciement que je vous dois à l’occasion de votre article du 10 janvier si excellent et si cordial pour mon fils. Vous aussi vous affirmez, avec l’autorité d’un esprit libéral, que la réintégration de Jean Valjean au bagne est « une impossibilité ». Il n’y a pourtant là, hélas, que la vérité pure et simple ; la loi telle qu’elle est appliquée par la magistrature telle qu’elle est. Vous reconnaîtrez, je n’en doute pas, en y réfléchissant, qu’il est temps de dénoncer ces excès légaux, que la conscience universelle a raison de tenir en suspicion la justice humaine, et qu’en présence de Lesurques non réhabilité et de Rosalie Doise torturée, ce qu’on appelle aujourd’hui la magistrature française mérite, non l’appui, mais la sévérité des sérieuses et généreuses intelligences comme la vôtre. Si j’étais en France sous un gouvernement libre, je prouverais par des faits extraits des sommiers judiciaires, que dans l’histoire juridique de Jean Valjean, j’ai été non au delà, mais en deçà de la réalité. Jusqu’à ce que je puisse faire cette preuve, je demande aux hommes impartiaux, tels que vous, leur neutralité. Attendez, et, la démonstration faite, les preuves données, vous serez surpris, je vous l’annonce d’avance, et vous partagerez ma douleur et mon indignation devant l’hypocrisie pénale.

Ceci, monsieur, n’est ni une rectification, ni une réclamation ; c’est l’appel d’une conscience honnête à une autre conscience honnête ; c’est une simple lettre privée qui ne demande aucune publicité, et qui d’ailleurs, sous ce régime, ne pourrait être publiée. Je tiens seulement, et de vous à moi, comme dans une causerie intime et amicale, à fixer sur un point important votre attention sérieuse, et je ne saurais, monsieur, vous donner une marque meilleure de ma cordiale estime pour votre personne et votre talent.

Victor Hugo[8].
À Paul de Saint-Victor[9].


Hauteville-House, 22 janvier 1863.
Monsieur,

Voulez-vous permettre, cette fois encore, que ce soit ma carte qui vous remercie et qui me remplace près de vous ? Les expressions me manquent pour vous dire à quel point je suis ému de votre magnifique page sur Les Misérables, si excellente pour mon fils, si admirable pour moi[10].

Je suis à vous profondément.

Victor Hugo[11].


À Auguste Vacquerie[12].


H.-H., 25 janvier [1863].

Vous êtes de si excellent conseil, cher Auguste, que vous devez connaître toutes mes affaires. Lisez ces deux lettres, après quoi je vous serai obligé de les fermer et de les envoyer. L’une est à M. de Lorbac, ami de MM. Proth et Louvet, qui me demande la permission de mettre Marie Tudor en opéra français. Vous serez le premier à penser que je n’y puis consentir (et à ce propos, merci de tous les excellents et utiles détails que vous me donnez sur la reprise de mes pièces). — La seconde lettre est à M. Castel[13]. Elle vous mettra un peu au fait de cette triste affaire Chenay, et pourtant vous n’en voyez que le très petit côté. Ce ne sera qu’à la dernière extrémité que je me résoudrai à lever tout ce vilain voile. L’étrange, c’est que M. Chenay ayant pris le parti de ne plus répondre aux lettres que nous lui écrivons, ma femme et moi, me force à m’adresser à M. Castel, et qui sait si je ne serai pas amené à faire à M. Castel même des questions sur des sujets bien autrement graves ? Je suis triste de tout cela. Mais je suis bien à vous du fond du cœur.

V.

Si vous voyez Charles, engagez-le de ma part à être fort réservé dans ses

relations avec M. Chenay. Sa mère lui contera tout, et à vous aussi[14].
À Auguste Vacquerie[15].


31 janvier [1863].

Cher Auguste, voici l’inconvénient possible. Cette lettre peut réveiller le chat qui dort[16]. Elle admet la possibilité d’une chicane de police aux Misérables. Or, l’édition actuelle, tirée à 120 000, est déjà fort mal vue. On vient d’en interdire l’affiche. De là à d’autres mesures hostiles il n’y a qu’un pas. Cette lettre indiquerait que, jusqu’à un certain point, l’auteur s’y attendrait. J’en crois la publication intempestive, dangereuse peut-être. Au reste, soyez assez bon pour voir de ma part M. Hetzel. S’il est de mon avis, vous exposerez nos craintes à M. Cuvillier-Fleury qui, dans sa loyauté, sera le premier à comprendre la non-publication. J’ai reçu l’article de L. Ulbach, envoyé par vous. Merci, et merci encore.

À vous.
.


À Auguste Vacquerie[18].


H.-H., 17 mars [1863].

Je reviens à votre livre[19]. C’est un drame en effet, et la division par scènes a profondément sa raison d’être. Le théâtre est petit, Jersey ; l’action immense, le progrès. Quels personnages, l’Angleterre, la France, l’exil, le passé, l’avenir ! et nulle abstraction ; tout cela s’incarne et vit, le passé dans les rois et les émigrés, l’avenir dans les proscrits. Par une fissure dans la sombre muraille humaine, l’Inconnu apparaît. Votre drame va des bêtes aux esprits à travers l’homme. Il y a la lumière intérieure, la conscience ; et la lumière extérieure, Dieu. Appelons Dieu, si vous l’aimez mieux, l’Infini ou l’Idéal ; mais il y est. Je vous parlerai souvent de ce livre. Je suis fier d’y être. Il y a de la foi dans votre style ; on y sent le devoir et le droit. Moyen âge et révolution, sous quel souffle vous avivez toutes ces flammes, les unes mauvaises, les autres bonnes ! le lecteur sera convaincu, et vaincu. De plus, c’est excessivement amusant. La comédie est aussi gaie que la tragédie est poignante. Le succès sera grandissime. Ma première lettre n’était qu’un cri. J’ai encore bien des choses à vous dire.

Ex imo.


À Albert Lacroix[21].


Hauteville-House, 29 mars [1863].

Je reçois, mon cher monsieur Lacroix, votre envoi et votre lettre du 24. Permettez-moi de vous rappeler que les épreuves que je réclame avec le plus d’insistance (déjà cinq fois, sans reproche) ce sont les épreuves des variantes très importantes que je vous ai envoyées en octobre 1862[22], voilà six mois, sur le nom de Pontmercy mal entendu à Waterloo par Thénardier, les changements portent sur un passage du mauvais pauvre (Tome VI) et de la bouteille d’encre qui ne réussit qu’a blanchir (Tome X). Je vous envoyais ces variantes en hâte, en vous demandant épreuve immédiate et en vous prévenant que je n’en avais pas gardé copie ; faites enfin droit, je vous prie, à ma réclamation (sixième fois), envoyez-moi épreuves de ces variantes nécessaires pour l’édition in-18, le plus tôt possible. Ce sont ces épreuves-là surtout que je demande. — J’ai fait toutes vos commissions, et vous pouvez compter sur tous nos amis ici. Madame Victor Hugo est à Paris depuis huit jours. Je lui enverrai votre lettre.

Il est inouï que M. Tarride nie le sixième de M. Hetzel. Auriez-vous la bonté de prier M. Jettrand d’en écrire de ma part à M. Hetzel, qui a probablement, traité ou lettre, de quoi confondre l’honnête Tarride.

Vous trouverez sous ce pli une lettre absolument inintelligible pour moi. Voudriez-vous prendre la peine de faire savoir au signataire de cette lettre que je n’ai su que par lui la nouvelle de cette réimpression des Châtiments commencée à Bruxelles. Aucune demande d’autorisation, aucune proposition d’affaire ne m’a été faite, et je ne comprends rien à ce petit mystère.

Je suis absorbé par le travail, et je vous écris en hâte pour que cette lettre parte par le packet attendu. Offrez mes hommages à madame Lacroix et croyez à mes plus affectueux sentiments.

V. H.[23]


À Émile de Girardin.


Hauteville-House, 2 avril 1863.

Les bruits de vous autres vivants m’arrivent tard dans ma solitude, mais finissent par m’arriver.

J’apprends que, dans un banquet de la Presse, vous avez, courageusement, évoqué les absents, et qu’en un toast de la plus noble éloquence, vous avez associé mon souvenir au souvenir de la liberté.

La liberté ne rentrera pas sous ce régime ; il la craint, et il a raison : la liberté a bonne mémoire et aucune cohabitation n’est possible entre elle et ce gouvernement né d’un crime brusque, le coup d’état, et maintenu par un crime continu, le despotisme. Je n’ai donc pas vos espérances, et d’un autre côté il est probable que mes espérances vous sembleraient illusions ; mais nous communions, vous et moi, dans le dévouement au progrès et à cette liberté irréductible, la vaincue d’aujourd’hui, la victorieuse de demain.

Cher grand penseur, je vous remercie et je vous serre la main.

{d|Victor Hugo.|3}}

Voulez-vous me permettre de contresigner ici tout ce qu’Auguste Vacquerie vous a dit ou vous dira d’un courageux et brillant écrivain de la jeune génération, M. Mario Proth. Il est digne de figurer comme collaborateur dans

ces colonnes qu’illustre et illumine votre puissant esprit[24].
Aux Membres du Cercle démocratique de Pise.


Hauteville-House, 3 avril 1863.
Mes frères italiens,

Votre éloquente et noble lettre me va au cœur. J’accepte avec empressement la place que vous m’offrez parmi vous. L’Italie une et libre, c’est mon vœu comme le vôtre. Délivrer l’Italie, c’est grandir la civilisation.

Aujourd’hui, vendredi 3 avril, à l’heure où je vous écris, il y a dix-huit cent soixante-trois ans que Jésus-Christ est mort sur la croix. Il n’est pas mort à Rome. Il est mort à Jérusalem. Il paraît que les papes l’ont oublié, puisqu’ils se sont assis au sommet du Capitole sans voir que leur place est au pied du Calvaire. Le christianisme est moins auguste couronné au Vatican qu’agenouillé au Golgotha.

Une triple couronne de jouissances et d’orgueils terrestres représente étrangement la couronne d’épines.

Puisque les papes s’obstinent, puisqu’ils dédaignent Jérusalem, puisqu’ils usurpent Rome, l’Italie aussi s’obstinera. L’Italie reprendra Rome, par droit et par devoir. Elle reprendra Rome, comme elle reprendra Venise. Le pape est, comme le césar, un souverain étranger.

Je vous remercie, messieurs, je suis votre compatriote, et je serre vos mains.

Victor Hugo.


À Jules Janin.


Hauteville-House, 16 avril 1863.

Je reçois, cher confrère, votre éloquente et charmante lettre, et je vous réponds bien vite. Oui, l’absent est à vous, tout à vous, mais, hélas, il est l’absent.

Que je voudrais être, pour parler comme Saint-Simon, bombardé votant de Guernesey aux Quatre-Nations, le 23, crever le dôme de l’Institut et tomber au milieu de ces prunelles rondes, avec le vote-éclair : Jules Janin.

Je crois que, de peur de moi, et d’éblouissement de vous, vous seriez nommé.

Mais, hélas, le style, la poésie, la critique, le goût, l’esprit, le charme, la force, la renommée, l’autorité, la puissance, trente-cinq ans d’éloquence et de succès, que de choses vous avez contre vous !

C’est égal, les académies elles-mêmes ont des moments lucides, et j’espère votre élection.

Sur ce, mon vaillant et glorieux confrère, je vous embrasse.

Victor Hugo.

P. S. — D’influence, hélas, je ne m’en crois plus. À l’Académie, un mort est immortel, mais un absent est mort. Pourtant, j’avais un voisin que j’entraînais parfois jusqu’à voter pour Dumas, Balzac et Musset, c’est Pongerville. Envoyez-lui ce mot (à moins qu’il ne soit devenu bonapartiste).

Tuus.


À Lamartine[26].


Hauteville-House, 19 avril 1863.
Mon cher Lamartine,

Je reçois et je lis aujourd’hui seulement 19 avril votre travail sur Les Misérables[27].

J’aurais beaucoup de choses à vous répondre. Mais il faut être Michel-Ange pour avoir le droit de répondre à Raphaël.

Je me borne à ceci qui a toujours tout résumé et tout terminé entre vous et moi, un serrement de main.

Victor Hugo[28].


À Albert Lacroix.


H.-H., 2 mai [1863].

Cher monsieur Lacroix, la difficulté pour moi, ce serait de mener de front un très grand livre à écrire et le tracas des publications, épreuves à corriger, lettres innombrables auxquelles il faut répondre, etc., etc. J’ai besoin pour travailler de solitude et de concentration sur une seule idée. L’obstacle à ce que vous désirez est là. Du reste, je suis complètement de votre avis sur l’utilité d’entremêler les publications, vers après prose, drame après roman, et réciproquement. Je ne quitterais certainement pas Guernesey sans chercher l’occasion, que vous souhaitez, de causer avec vous. On fait plus de besogne en deux heures de causerie qu’en deux mois de correspondance. Quant à votre in-18, je persiste dans le conseil que je vous avais donné. Le bon marché n’est pas 35 fr. mais au plus 20 fr. À 15 fr. vous auriez eu une vente énorme. Vos 35 fr. s’adressent au même public que les 60 ; le public riche et même très riche. Ce public-là est servi. Vous en viendrez à mon avis. Il fallait une vraie édition bon marché.

Je crois comme vous à un grand succès pour l’ouvrage de madame Victor Hugo. Il est très important qu’on sache bien que je n’y suis pour rien. Dire que ce livre est de moi lui nuirait. Le curieux c’est que je ne l’ai même pas lu en manuscrit.

Mille bons compliments.

V. H.

Serez-vous assez bon pour transmettre cette lettre à son adresse. — J’attends toujours la lettre que vous m’annoncez de M. Jettrand. Du moment où Tarride ne nie plus la part de Hetzel et où Hetzel déclare qu’il me donne commission de la toucher, je ne comprends plus l’obstacle. Veuillez offrir mes hommages à madame Lacroix[29].


À Paul Meurice[30].


H.-H., 14 mai [1863].

Vous savez bien, n’est-ce pas ? que mon silence est une songerie à mes amis. Souvent, c’est à force de penser toujours à ceux qui sont nôtres qu’on ne leur écrit pas. On se figure que la pensée va toute seule, et que tout ce qu’on a pour eux dans le cœur les cherche et les trouve sans le secours du timbre-poste. Que je voudrais donc vous serrer la main ! Quand vous reverrai-je ? Avez-vous souvenir de nos doux projets de l’an passé ? est-ce indiscret de vous les rappeler ? est-ce importun de vous faire resonger à ces joies ? J’ai travaillé tout l’hiver, passim, la tête plongée dans cette incubation de ma grande rêverie que vous savez. Dieu me donnera-t-il vie et force pour mener à fin cette immensité que mes ennemis appelleront énormité ?

Je suis un peu vieux pour mettre en mouvement les montagnes, et quelle montagne ! la Montagne même ! 93 ! enfin ! Diex el volt. Cher grand cœur que vous êtes, aimez-moi un peu. Où en sommes-nous de nos comptes ? Serez-vous assez bon pour remettre à ma femme, de ma part, 150 fr. Ma femme vous priera peut-être aussi de payer des valeurs. Que faites-vous en ce moment ? Quelle œuvre exquise et profonde préméditez-vous ? Écrivez-moi. Je vous aime bien.


À Lamartine.


Hauteville-House, 23 mai 1863.
Cher Lamartine,

Un grand malheur vous frappe[32] ; j’ai besoin de mettre mon cœur près du vôtre. Je vénérais celle que vous aimiez.

Votre haut esprit voit au delà de l’horizon ; vous apercevez distinctement la vie future. Ce n’est pas à vous qu’il est besoin de dire : espérez. Vous êtes de ceux qui savent.

Elle est toujours votre compagne ; invisible, mais présente. Vous avez perdu la femme, mais non l’âme. Cher ami, vivons dans les morts.


À Madame Victor Hugo[33].


16 juin [1863], mardi 5 h.

Chère amie,, j’ai ton livre[34]. J’ai passé ma journée à le lire, j’ai lu presque tout, je suis ravi, c’est exquis et bon, c’est simple et délicat et vrai et charmant, je te saute au cou, je t’embrasse et j’embrasse Charles et Vacquerie, je crois que cela enchantera. Il y aura, je suppose, quelques petites réclamations pour de petites inexactitudes de peu d’importance que j’eusse rectifiées d’un trait de plume si j’eusse lu les épreuves, mais cela n’est rien, l’ensemble est excellent, et le détail fin, juste et vivant. Je te gribouille ceci en hâte, au galop, pour que tu aies mon impression toute chaude. Victor qui a lu des pages çà et là est dans le ravissement, il ne pouvait ce matin s’arracher du livre, et nous nous sommes fort disputés à qui l’aurait, ma majesté l’a emporté, mais c’est un coup d’état et un acte de tyrannie.

Bravo encore et je te t’embrasse.

V.

Prie Auguste, l’homme exact et infaillible, d’avoir la bonté de se charger de faire passer cette lettre à M. Carjat[35].


À Auguste Vacquerie[36].


Dimanche, 7 h. du soir. [21 juin 1863.]

Cher Auguste, je vous écris sur la table où vous manquez, à côté d’un verre que je viens de vider à votre santé. J’ai porté, au milieu des acclamations du peuple, un toast au malicieux aventurier et au général des altérés. Puis je me suis attendri, et j’ai déclaré que j’étais profondément ému de la coopération d’Auguste Vacquerie au succès du charmant livre d’une charmante femme[37]. L’émotion a gagné le peuple composé de Charles, Victor, Guérin, madame Julie et mademoiselle Lux, on a un peu larmoyé, on vous regrette, on vous désire, on vous aime, et je vous écris. À bientôt.

Victor H.

Ma femme me prend pour secrétaire, elle a les yeux un peu fatigués de son

voyage, et vous écrira demain[38].
À MM. J. Hetzel et A. Lacroix..


Hauteville-House, 19 juillet [1863].
Messieurs,

Je continue d’applaudir au beau travail de monsieur Brion[39]. Ses derniers dessins, la petite Cosette, le père Fauchelevent, Jean Valjean dans la fosse, la mort du Colonel, les deux enfants sous le fardier, prouvent une étude profonde et réussie du livre. C’est un effet très grand, très saisissant et très sombre que le Napoléon retournant vers Waterloo.

Pour moi, monsieur Brion réussit de plus en plus dans cette traduction où il combine une foule de qualités diverses. C’est un beau talent ; le succès qu’il obtient est parfaitement mérité et je suis charmé d’en être l’occasion.

Je vous remercie, messieurs, et puisque vous m’en faites l’offre gracieuse je vous demanderai 7 exemplaires du petit format et 3 du grand. Vous voyez que j’use en vraie liberté et en toute cordialité de la latitude que vous voulez bien me laisser. Recevez, messieurs, avec toutes mes félicitations pour M, Brion et pour vous, l’assurance de mes sentiments très distingués.

Victor Hugo[40].


Au Directeur du Phare de la Loire.


Hauteville-House, 4 août 1863.
Mon honorable et cher concitoyen.

Le Phare de la Loire va reparaître[41]. À vrai dire, il n’avait point disparu. Sa trace restait dans tous les cœurs convaincus et dans tous les nobles esprits. La liberté, momentanément éclipsée, laisse toujours derrière elle de ces traînées lumineuses. On n’a qu’à regarder au-dessus de sa tête, on voit où la liberté a passé et l’on devine où elle reviendra. Sa rentrée est infaillible. L’occultation n’est pas la mort. Votre courageux journal le démontre. Il est plus que jamais vivant.

J’affirme même que son silence n’était qu’apparent. Nous l’entendions dans cette ombre. La forte pensée démocratique qui inspire Le Phare de la Loire, si éloquemment exprimée par toutes les généreuses voix de ses rédacteurs, n’a pas été un seul instant absente du milieu de nous. Depuis deux mois, ce muet nous a souvent parlé.

Continuez, reprenez fièrement votre tâche de tous les jours, plaidez toutes les causes justes, faites le procès au préjugé, à la superstition, au mensonge, à l’ignorance ; soyez la voix incorruptible et sincère, dites leur fait aux monarchies en Europe et aux républiques en Amérique, combattez la guerre, tuez la peine de mort, mandez à la barre de l’humanité l’échafaud, ce vieux coupable ; il fait nuit dans notre civilisation, demandez qu’on apporte de la lumière ; réclamez, avec la monotonie tenace de la conviction, l’enseignement gratuit et obligatoire ; criez aux esclaves : Délivrance ! et aux peuples : Instruction ! Science est identique à liberté. S’instruire, c’est se libérer.

Et puisqu’en ces temps de défaillance nous avons ce bonheur que, dans la minute où nous sommes, la lutte sainte soit flagrante quelque part, puisque la Pologne est là, attestant la vie du droit par cette longue agonie qui ne peut mourir, montrez à tous les peuples ce peuple héros, montrez-le à la Grèce, à la Roumanie, à l’illustre Hongrie qui n’est pas difficile à réveiller, montrez-le à l’Italie qui, sans Rome, la ville couronnée, et sans Venise, la ville lumineuse, ressemble à un être qui voudrait essayer de vivre et qui n’aurait ni sa tête ni son âme ; montrez-le à d’autres encore. La Pologne, je l’ai dit déjà, et je le répète, c’est l’exemple.

La Pologne prouve, par toutes les preuves de l’héroïsme, que la vérité ne se prescrit pas, que les violences et les voies de fait la servent, que l’épreuve la fortifie, qu’intercepter la lumière ce n’est pas supprimer la liberté, qu’interrompre par la force la manifestation vitale des hommes, c’est accroître leur énergie intérieure, que l’oppression est, sans le savoir, une bonne nourrice pour la haine sacrée des peuples, patients, mais sévères, et que la mystérieuse vie latente des nations se retrempe silencieusement dans ce que le droit a d’absolu, dans ce que la justice a de divin, et dans ce que l’indignation a d’inexprimable.

Je presse dans mes mains toutes vos mains vaillantes.

Victor Hugo[42].
À Paul de Saint-Victor[43].

Vous êtes, cher monsieur, un grand critique parce que vous êtes un grand poëte. Vos articles sont des œuvres. Vos feuilletons ont le souffle lyrique en même temps que la science et la pénétration. Je vous demande la permission de contresigner la lettre de madame Victor Hugo[44]. Elle vous admire et je vous aime.

Victor Hugo[45].


À Paul Meurice[46].


H.-H., 8 août [1863].

Je vais partir dans quelques jours, avec cette douce pensée de vous rencontrer. Si je ne vous vois pas, c’est que vous serez heureux autrement, et mieux, et je vous aime tant que toutes les formes de votre bonheur me plaisent, même celles qui me priveraient de vous serrer la main et de vous embrasser, sur notre Rhin ou notre Moselle de l’an passé. Votre noble et grand esprit m’a fait de ce voyage trop rapide et trop court un paradis. À bientôt donc, peut-être.

Je vous serai obligé de payer pour moi à Mme  d’Aunet un bon de 250 francs qu’elle vous présentera.

Charles est venu me voir le mois passé. Comme nous avons parlé de vous ! comme nous allons en reparler encore, jusqu’à ce que je vous revoie ! Je sais que vous travaillez. Je vous crie bravo. Vous avez depuis dix ans créé un théâtre fort et charmant, fait pour le peuple avec le style de l’élite. Poëte, artiste, philosophe, vous trouvez le moyen, avec cette triple profondeur, d’être le plus doux des penseurs. — À vous, à vous[47].


À Émile de Girardin[48].


Londres, 16 août [1863].

Je suis à Londres, à l’auberge, on m’apporte un journal, c’est La Presse, j’y trouve votre nom que je cherche toujours et mon nom que vous écrivez volontiers. Vous avez raison, si l’on pouvait discuter librement en public, nous serions vite d’accord ; vous êtes l’homme du radical et je suis l’homme de l’idéal. Or, la racine c’est l’idée.

Mais vous avez beau être Girardin et Voltaire a beau être Voltaire, Voltaire et Girardin sont forcés à des concessions, et doivent toujours, pour qu’il leur soit permis de parler, semer çà et là le mot roi, comme Spinosa le mot christianisme, dans leurs argumentations les plus logiques et les plus invincibles. Or, dans le radicalisme philosophique, ce mot christianisme n’est qu’une goutte ; dans le radicalisme politique, ce mot roi n’est qu’une goutte ; mais une goutte d’arsenic mêlée au meilleur breuvage du monde, le rend de digestion difficile. Le jour où vous serez libre[49], votre grande logique éclatera dans sa plénitude et rendra visible toute la justesse de votre profond esprit. Ce jour-là, évidemment, nous serons d’accord, je crois, sur presque tous les points. En attendant, vous êtes forcé d’accepter dans une certaine mesure les hommes de l’empire et l’empire, de même qu’Orphée accepte Cerbère, pour passer outre, et vous lui jetez ce gâteau de miel, votre noble, beau et charmant style. Ils vous laisseront passer, mais vous reviendrez seul, et ils ne vous laisseront pas ramener cette Eurydice, la liberté. Un serpent l’a piquée au talon, et un démon la garde dans le sépulcre.

C’est égal, je suis heureux de causer un peu tête à tête avec vous. Vous êtes pour moi un des grands serviteurs du progrès, de la vérité, de la logique et de la liberté ; nos dissidences ne sont pour nous que des raisons de nous approfondir réciproquement, et je suis du fond du cœur votre ami.

Victor Hugo.

J’ai quitté Guernesey hier pour quelques semaines, je vais aller un peu voir si l’on peut en effet voyager, comme on le prétend, sans passeport, mon excursion d’essai sera en Allemagne.


À François-Victor[50].


Florenville, 21 août [1863].

Mon Victor, quatre mots in haste. Tu m’écriras à Mayence comme ceci :

M. Alfred Busquet, poste restante. À Mayence. Prusse rhénane.

J’y serai dans dix jours. Je ne donne pas mon nom pour adresse. Tu comprends pourquoi. J’ai dû quitter Dinant précipitamment, le bourgmestre allait venir me haranguer. Si la poste savait que je vais arriver à Mayence, j’y serais une curiosité avant même d’être descendu de voiture.

Notre petit voyage va à merveille. Charles et Busquet sont gais et charmants. Ta mère nous a quittés à Bruxelles pour Paris, admirablement gaie et charmante, elle aussi. J’espère que tout va bien à Guernesey. Écris-moi ce qu’il pourrait y avoir de nouveau.

Mon Victor chéri, notre joie serait complète si tu étais là. Tu nous manques et nous parlons sans cesse de toi. Travaille, mon cher et courageux enfant, et achève ta belle et grande œuvre. À bientôt.


À George Sand.


Trêves, 26 août 1863.

Pardonnez, madame, à cet affreux papier d’auberge. Je voyage en ce moment, et je vous écris sur le coin de la première table venue. Je suis à Trêves, parmi toutes sortes de belles choses, et comment ne pas penser à vous ? J’ai lu la page noble, charmante et cordiale écrite par vous sur le livre de madame Victor Hugo. Il me semble que désormais ce livre est de vous deux ; vous le contresignez, vous le doublez de votre gloire. C’est là une illusion du cœur. Permettez-la-moi.

Vous ne savez pas à quel point je vous admire. Je saisis toutes les occasions de vous le dire, et je vous remercie de me donner celle-ci. Il y a eu, il y a peut-être encore, quelque chose, je ne sais quoi, qui s’est interposé entre vous et moi. Mais cela s’est dissipé, ou se dissipera. L’important pour moi, c’est que je vous aime et que je vous comprends. Vous avez une gloire unique et haute. Vous êtes la grande femme de votre siècle. Je vous admire sous les deux espèces, la grâce et la puissance et je me mets à vos pieds.

Victor Hugo[52].


À Paul Meurice.


Capellen (Rhin), 30 août.

Vous m’avez permis de vous dire le moment où j’approcherais de Heidelberg. Je vous tire donc la manche, mais bien doucement. Voyager avec vous est une joie complète ; d’un côté la nature éblouissante, de l’autre, votre esprit. Venez donc nous retrouver, si vous pouvez. Nous serons à Heidelberg du 3 au 5 septembre, plutôt, je pense, le 3 que le 5. Si vous y êtes, et si vous avez, quelques jours à vous, nous ferons un peu route ensemble dans cette voiture que vous connaissez, et où vous remplacerez M. A. Busquet qui nous quitte à Heidelberg.

Doux et cher ami, à bientôt donc, peut-être, je n’ose espérer tout à fait, mais faites pour le mieux.

Je vous embrasse.

On me dit qu’il n’y a que quinze heures de chemin de fer de Paris à Heidelberg[53].


À François-Victor[54].


Villers-la-Ville, 3 octobre [1863].

Mon Victor, je t’achète ton armoire. Tu m’en demandes 90 francs, je ne puis t’en donner que cent, et encore j’y mets la condition qu’elle restera dans ta chambre et qu’elle servira, comme par le passé, à ton usage exclusif. De cette façon, il n’y aura rien de changé, que cent francs de plus dans ta poche. — Je te remettrai lesdits cinq napoléons en arrivant à Londres.

Charles m’a quitté hier soir et est reparti pour Paris, où il va retrouver ta mère. Il est arrivé en ce moment. En même temps je reçois une dépêche électrique de Hetzel m’informant que M. Houssiaux (un de mes éditeurs in-8°), sera à Guernesey mercredi 7 octobre pour me faire offre d’achat de 40 000 volumes (deux mille nouveaux exemplaires de son édition en vingt volumes laquelle s’est déjà vendue à 12 000 exemplaires). Il faut donc que de mon côté je sois à Guernesey mercredi. Mon voyage va avoir la rigidité d’un projectile. Ce bête de dimanche anglais me fait perdre un jour, un jour que j’aurais pu te donner, mon Victor ! Voici l’extrémité où me réduisent, d’une part l’arrivée de Houssiaux à Guernesey mercredi, et d’autre part, ce manque de steamer-post le dimanche. Je reste ici inutilement aujourd’hui. Je partirai demain dimanche pour Ostende, lundi matin pour Douvres, et le soir entre six et neuf heures (vu les chances de mer) je serai à Londres. Je descendrai chez Kayser, au Royal Hôtel. Je t’écris ce mot bien vite. Dès que tu l’auras reçu va au Royal Hôtel, retiens-y deux chambres à un lit, non contiguës, pour lundi 5. En outre, prie mesdames de Putron de me faire l’honneur de souper avec moi ce même soir, et commande un souper pour six personnes, composé surtout de choses froides, vu l’incertitude de l’heure et les retards possibles de la mer. Les plats chauds courraient risque de se refroidir ou de se dessécher. Fais pour le mieux. Je serai bien heureux d’offrir ce petit moment d’hospitalité d’auberge au charmant et excellent groupe d’amis qui t’entoure. Le lendemain mardi, tu m’emballeras pour Weymouth, et mercredi à une heure, si Dieu y consent, je serai à Hauteville-House, où je soupirerai après ton prompt retour. — Je t’embrasse, mon enfant bien-aimé.

V.

Notre gracieuse compagne de voyage t’envoie ses plus maternelles tendresses.

Hier j’ai traité dans mon auberge, outre Charles et Lecanu, MM. Frédérix, Lacroix et Verboeckhoven. Le dîner a été charmant, pourtant avec la tristesse de l’adieu. — Nous avons bu à ta santé. — Je te conterai le tas d’ovations, bien cordiales du reste, dont je m’esquive. Sérénade à Vianden, fête et concert à Rochefort, etc.

Donc, mon fils bien-aimé, à lundi soir, au Royal Hôtel, vous tous[55].


À François-Victor[56].


10 octobre [1863]. H.-H.

Tu sais quelle montagne de lettres m’attendait à mon retour. Je me décide à y faire brèche aujourd’hui, et j’y trouve une lettre de Louis Blanc que, naturellement j’ouvre avant toutes. La voici, lis-la, et va bien vite voir Louis Blanc[57]. Raconte-lui la chose. 1° En juin, première invitation indirecte adressée à M. Marquand. Toi oublié. Réponse stupéfaite de M. Marquand, qui prend sur lui de rappeler que tu existes, et d’ajouter, quant à moi, qu’il lui semble qu’une lettre personnelle et directe de M. de Manchester, président du Comité, à M. Victor Hugo, ne serait pas de trop.

2° Sur ce, un mois après, envoi à moi d’une circulaire imprimée. Rien à toi. Cependant les journaux publient les réponses de MM. Guizot et de Montalembert avec les invitations qui leur ont été faites, probablement d’une autre manière. — Je me considère comme n’ayant rien reçu, je ne suis point offensé, ni offensable, mais je n’ai pas été invité, je ne le suis pas. Je ne hais pas cette situation, et je reste en dehors du comité. Cela me va, pour Shakespeare comme pour moi. Louis Blanc sait combien je l’honore et je l’aime, il comprendra et m’approuvera, et refusera d’intervenir entre le comité provisoire et moi. Il y a un président à ce comité. Le silence de ce président me convient, et je l’accepte.

Voici un mot pour mon noble et cher ami Louis Blanc[58]. Il va sans dire que tu peux lui lire cette lettre-ci. Tu ajouteras verbalement tous les détails que tu sais. Nous sommes très bien dehors, toi et moi.

Sème en mon nom toutes sortes de paroles charmantes autour de toi. Tu dois avoir reçu hier un billet de moi, et trois numéros du Star. Fais répéter.

Je t’embrasse, mon enfant chéri.

À bientôt[59].

V.


À Louis Blanc.


Hauteville-House, 11 octobre 1863.


Cher Louis Blanc,

Pendant les mois de juin, de juillet et d’août, les journaux ont publié un certain nombre d’acceptations de personnes distinguées, invitées à faire partie du Comité de Shakespeare. Mon fils, le traducteur de Shakespeare, n’a pas été invité. Il l’est aujourd’hui. Je trouve que c’est trop tard.

Dans cet espace de trois mois, je n’ai pas été invité non plus, mais peu importe. Il s’agit de mon fils, et c’est dans mon fils que je me sens atteint. Quant à moi, je ne suis pas offensé, ni offensable.

Je ne serai point du Comité de Shakespeare, mais puisque dans le Comité il y aura Louis Blanc, la France sera admirablement représentée[60].


Au ministre de la République de Colombie.


Hauteville-House, 12 octobre 1863.

J’espère que quelque journal vous aura appris mon absence de Guernesey depuis la fin de juillet et que le retard de ma réponse vous est ainsi déjà expliqué. Je n’ouvre qu’aujourd’hui votre honorable lettre du 17 août[61], étant de retour depuis hier seulement.

Je ne saurais vous dire combien votre communication me touche. J’ai dévoué ma vie au progrès, et le point de départ du progrès sur la terre, c’est l’inviolabilité de la vie humaine. De ce principe découlent la fin de la guerre et l’abolition de l’échafaud.

La fin de la guerre et l’abolition de l’échafaud, c’est la suppression du glaive. Le glaive supprimé, le despotisme s’évanouit. Il n’a plus ni raison d’être, ni moyen d’être.

Vous me remettez, au nom de votre libre République, un exemplaire de votre Constitution. Votre Constitution abolit la peine de mort, et vous voulez bien m’attribuer une part dans ce magnifique progrès. Je remercie avec une émotion profonde la République des États-Unis de Colombie.

En abolissant la peine de mort, elle donne un admirable exemple. Elle fait un double pas, l’un vers le bonheur, l’autre vers la gloire.

La grande voie est ouverte. Que l’Amérique marche, l’Europe suivra.

Transmettez, monsieur l’envoyé extraordinaire, l’expression de ma reconnaissance à vos nobles et libres concitoyens, et recevez l’assurance de ma haute considération.

Victor Hugo.


À Émile Deschamps.


16 octobre 1863, Hauteville-House.

Merci, cher Émile, de vos quatre pages charmantes et douces. Votre ami, M. A. Hélie, vous dira comment j’ai dû, à mon retour ici, les déterrer dans une montagne de lettres. Me voici heureux, je vous lis ; il me semble que je vous vois ; je sens de la chaleur, c’est votre cœur qui est près de moi.

Je suis plus difficile pour vous que vous. Je veux que madame Victor Hugo reparle de vous et en reparle tout à fait comme il me convient. La suite du livre[62] vous montrera que ma gronderie intime a réussi.

Cher Émile, mon rocher remercie votre Versailles. Je ne suis plus seul quand votre amitié me dit : je suis là.

Vous êtes pour moi la vie, la joie, la poésie, la jeunesse. Où sont nos belles années ? dans nos âmes. Tout a disparu, rien n’est perdu. Votre noble et charmant esprit a bien fait de se souvenir de moi ; tout à l’heure, quand j’ai ouvert votre lettre, il m’a semblé que la lumière entrait. J’embrasse Antoni[63] ; je vous embrasse.

Tout à vous.


Vous savez que ma fille devient anglaise[64]. Tel est l’exil[65].

Victor.
À Max Buchon.


7 novembre 1863.

Je vous remercie, monsieur. Je vous dois la révélation de mon pays natal. Dans ces quelques pages charmantes[66], vous m’avez fait connaître la Franche-Comté. Je l’aime, cette vieille terre à la fois française et espagnole. Je n’ai guère fait qu’y naître, et elle m’est aujourd’hui fermée comme le reste de ma patrie. Je vous remercie de me l’avoir envoyée dans ce doux petit livre. Je la vois dans vos vers frais, vivants et vrais. Je vois le village, la prairie, la ferme, le bétail, le paysan, et aussi, ce qui est le vrai but du poëte, le dedans des cœurs. Dans ma solitude un peu âpre, sur mon rocher, dans mon tourbillon, face à face avec le sombre ciel d’hiver, côte à côte avec cet Océan qui est le plus redoutable des mécontents, vous m’avez fait vivre quelques heures d’une vie aimable. Je vous rends grâces, poëte.

Victor Hugo[67].


À Auguste Vacquerie[68].


8 9bre [1863].

Je ferme le livre[69], et je vous écris tout de suite, ému.

Quel X que le dénouement ! Il y a là une ombre inattendue et superbe. C’est neuf, c’est grand, c’est beau. L’impression est profonde. Cher Auguste, je vous ai accompagné d’un bout à l’autre d’un long bravo intérieur. J’avais noté, chemin faisant, les scènes fines et pathétiques, les mots charmants et touchants, mais il faudrait tout transcrire. J’y renonce. Andrée est exquise. Olivier est nouveau, farouche, imprévu, et vrai. Quel type que Jean Baudry ! la bonté forte, la puissance tendre, le robuste dans le doux. Soyez content. Toute l’œuvre est magistrale.

Je vous écris ceci dans un bruit de tempête qui va à votre drame, et qui ressemble à mon émotion.

I nunc !
V. H.

Victor est à Jersey. Il aura Jean Baudry à son retour.

Un petit service : envoyez-moi la tartine Dupanloup[70] contre Myriel et Les Misérables. La soutane étant violette, il sera peut-être utile de la corriger. Je verrai si cela mérite un mot, en passant.

Je veux vous reparler encore un petit peu de Jean Baudry. Que n’êtes-vous là ! Que de choses à vous dire ! Pas une figure qui ne vive, pas un détail qui ne charme ou n’émeuve, pas un mot qui ne soit un cri. Cri de l’âme, cri du cœur, cri de l’esprit. Vous avez vaincu comme il faut vaincre, en ne concédant rien. Vous êtes triomphant, et vous restez fier. Bravo encore, et encore merci[71].


À Théodore de Banville.


Hauteville-House, 15 novembre [1863].

Vous n’avez pas un succès, cher poëte, sans que mon applaudissement passe la mer ; je vous crie bravo. Je viens de lire les ravissants vers de Diane au bois[72]. C’est frais, charmant, doux, exquis — et grand. Que devenez-vous là-bas ? Au milieu de vos triomphes, pensez-vous toujours un peu à moi ? Moi, l’absent et le vieux, je vous aime. Plus je vieillis, plus j’aime mes amis et mes poëtes.

Canta a la tarde et pajaro del corazon ; c’est le soir pour moi et l’oiseau de mon cœur chante. C’est pourquoi je pense à vous doucement. Continuez à être heureux et charmant.

Je serre votre main.

Victor H.[73]


À Albert Lacroix.


H.-H., 18 9bre [1863].
Mon cher monsieur Lacroix,

Les jours sont courts, j’ai ce livre à finir[74], et je ne puis écrire à la lumière. De là la rareté et la brièveté de mes lettres. C’est pour cela que j’aurais voulu vous voir, outre le cordial plaisir de passer quelques jours avec vous. Je trouve excellent que vous soyez d’accord avec M. Pagnerre. Vous pouvez considérer les bases du traité Pagnerre comme admises. Il y aura des points de détail à régler. Il faudra, je crois, deux éditions, une parisienne et une belge, pareille à votre édition in-8o des Misérables, la feuille des Misérables, édition belge de 1862, devant servir d’étalon et de type. Je me dépêche d’achever, car il faudra se hâter de paraître, au plus tard fin février. — À cause du jubilé de Shakespeare[75].

Quant à la traduction anglaise, j’exclus absolument le nommé Wraxhall, l’inepte traducteur des Misérables.

Le livre de ma femme[76] a été fort bien traduit en anglais, prendre le même traducteur.

Tous les autres points de votre lettre voudraient être discutés, entre autres Les Chansons des rues et des bois. En divisant vos 50 000 francs en 30 000 pour Shakespeare (avant la lettre collective de M. Pagnerre et de vous), en 20 000 pour Les Chansons des rues et des bois, vous avez abaissé votre proposition de 5 000 francs et fort modifié la situation. En outre, si vous étiez ici, je vous ferais voir par les traités et les chiffres qu’il n’est pas un de mes volumes de vers qui ne m’ait rapporté, en douze ans, beaucoup plus de 25 000 francs. Le jour me manque, je clos bien vite cette lettre, et je vous serre la main. Causer vaudrait mieux que toute cette correspondance, ça avance lentement.

Mille affectueux compliments[77] .


Au Général Garibaldi.


Hauteville-House, Guernesey, 18 novembre 1863.
Cher Garibaldi,

J’ai été absent, ce qui fait que j’ai eu tard votre lettre[78], et que vous aurez tard ma réponse.

Vous trouverez sous ce pli ma souscription.

Certes, vous pouvez compter sur le peu que je suis et le peu que je puis. Je saisirai, puisque vous le jugez utile, la première occasion d’élever la voix.

Il vous faut le million de bras, le million de cœurs, le million d’âmes. Il vous faut la grande levée des peuples. Elle viendra.

Votre ami,

Victor Hugo[79].


À Charles[80].


H.-H., vendredi 20 [novembre 1863].

J’ai reçu hier, mon Charles, cette charmante petite chose Chez Victor Hugo[81]. Je vais écrire à M. Lecanu, dis-le-lui, à M. Maxime Lalanne[82], et à MM. Cadart et Luquet[83] qui m’ont écrit une lettre vraiment très noble et honorable au dernier point pour eux. Les douze eaux-fortes de M. Lalanne ont ici le plus grand succès. Le libraire Barbet, de High-street, les a vues, et a dit à Victor qu’il allait faire venir l’ouvrage de Paris. Quant au texte, il est excellent et charmant. Je t’y ai reconnu souvent. Tu y es dans maint endroit. Il y a çà et là des mots qui sont plus qu’écrits, ils semblent dits. Mme  Drouet me disait : On croit entendre parler M. Charles.

Je suis accablé de travail pour finir vite ce Shakespeare. Les jours sont très courts et je ne puis écrire à la lumière. De là d’innombrables lettres en retard. Explique cela en particulier à M. Busquet quand tu le verras. Il m’a écrit une bien bonne et bien gracieuse lettre. Je vais lui répondre. Je vois avec plaisir votre petit nuage dissipé.


(Samedi 21. Ta lettre m’arrive. J’avais commencé ceci que je t’envoie tout de même. Quant à ta lettre, je vais causer avec Victor et tu trouveras ma réponse sous cette même enveloppe.)[84].


À Maxime Lalanne.


Hauteville-House, 26 novembre 1863.
Monsieur,

La manière dont j’ai quitté Paris il y a douze ans ressemblait un peu à un naufrage ; j’en ai sauvé quelques épaves que j’ai arrangées de mon mieux autour de moi dans ma maison de Guernesey. C’est de ce modeste arrangement que vous avez fait un chef-d’œuvre. Vos douze admirables eaux-fortes sont tout un petit poëme où ma maison m’apparaît comme transfigurée. Rien pourtant n’est plus exact, et la ressemblance est extrême, mais telle est la puissance de l’art et tel est le talent de l’artiste que mon cottage me semble à moi-même presque un palais. En regardant vos magnifiques estampes à la fois si vigoureuses et si délicates, je me retrouve chez moi en même temps que je me sens chez vous. Il me semble que vous donnez l’hospitalité à ma maison. Vous l’introduisez dans l’art. Permettez-moi, monsieur, d’oublier qu’il s’agit de moi, et d’applaudir avec le public.

Recevez, je vous prie, l’assurance de mes sentiments très distingués.

Victor Hugo[85].


Au général Garibaldi, à Caprera[86]


Hauteville-House, 20 décembre 1863.
Cher Garibaldi,

Nous avons foi tous les deux, et notre foi est la même. La renaissance des nations est infaillible. Quant à moi, j’ai la conviction profonde que, l’heure venue, peu de sang sera versé. L’Europe des Peuples fara da se. Les révolutions, même les plus heureuses et les plus nécessaires, ont leur responsabilité, et vous êtes comme moi, de ceux qui redoutent pour elles le poids énorme d’une goutte de sang de trop. Pas de sang du tout, ce serait l’idéal, et pourquoi pas l’idéal ? Quand l’idéal est atteint dans les hommes, et, à vous seul, vous suffisez pour le prouver, pourquoi ne l’atteindrait-on pas dans les choses ?

Le niveau des haines baisse à mesure que le niveau des âmes monte. Tâchons donc tous d’élever les âmes. La délivrance par la pensée, la révolution par la civilisation, tel est notre but, le vôtre comme le mien. Et quand il faudra livrer le dernier combat, on peut être tranquille, ce sera beau, généreux et grand ; ce sera doux autant que le combat peut l’être. Le problème est, en quelque sorte, tout résolu par votre présence. Vous êtes le héros de la paix traversant la guerre. Vous êtes l’épée juste.

Cher ami, je serre votre main illustre.

V. H.[87]


À Auguste Vacquerie[88].


Dim., 25 xbre [1863].

Nous avons eu ici l’autre jour notre petit christmas d’enfants pauvres. Ils étaient quarante-un. Je vous ai bien regretté. Cette joie des misérables vous eût fait plaisir.

Je travaille beaucoup. C’est à quoi l’exil est bon. Les jours sont courts, je me lève à l’aube. J’ai un cristal-room d’où je vois la mer. Ce tumulte se mêle à mon travail. C’est grand et beau. Tout cela pourtant ne vaut pas une stalle aux Français un jour de Jean Baudry.

Tuus[89].

  1. Inédite.
  2. Bibliothèque Nationale.
  3. Lacroix demandait à traiter pour des volumes inédits et pour les volumes de l’exil : Napoléon-le-Petit, Châtiments, Discours.
  4. Quatrevingt-treize. Historique. Édition de l’Imprimerie nationale.
  5. Inédite.
  6. Collection du baron de Villiers.
  7. Avocat, auteur dramatique et critique théâtral au Siècle, où il fit aussi de la critique littéraire.
  8. Les Misérables, tome IV. Historique. Édition de l’Imprimerie Nationale.
  9. Inédite.
  10. Feuilleton de La Presse, 19 janvier 1863, sur le drame tiré par Charles Hugo et Paul Meurice du roman de Victor Hugo et représenté à Bruxelles.
  11. Collection Paul de Saint-Victor.
  12. Inédite.
  13. Nous n’avons pas cette lettre.
  14. Bibliothèque Nationale.
  15. Inédite.
  16. Cuvillier-Fleury avait envoyé à Auguste Vacquerie une copie de la lettre de Victor Hugo (9 mai 1862) [voir page 388] et demandait l’autorisation de publier cette lettre. Vacquerie écrit aussitôt à Guernesey :
    28 janvier 1863.
    « Mon cher maître, Cuvillier-Fleury m’envoie cette copie, et me demande si vous l’autorisez à publier votre lettre dans un volume où il recueille de vieux articles. Je pense que vous n’y verrez aucun inconvénient, mais que vous mettrez pour condition qu’il publiera toute la lettre sans passer un seul mot. Il m’écrit que votre lettre lui « a donné à penser qu’il y avait, en effet, quelque inconvénient à continuer une polémique de ce genre, et qu’elle expliquera pourquoi il s’est arrêté dans ce travail attrayant et redoutable de juger l’œuvre entière. »
    Décidez. Il voudrait bien avoir sa réponse tout de suite, son imprimeur le harcèle. Tâchez de répondre mardi. »
  17. Bibliothèque Nationale.
  18. Inédite.
  19. Les Miettes de l’histoire.
  20. Bibliothèque Nationale.
  21. Inédite.
  22. Lettre du 20 octobre 1862.
  23. Correspondance relative aux Misérables. — Bibliothèque Nationale.
  24. Brouillon. Archives de la famille de Victor Hugo.
  25. Clément-Janin. Victor Hugo en exil.
  26. Inédite.
  27. Voir page 164 le résumé des cinq Entretiens du Cours familier de littérature. Seule l’Idylle de la rue Plumet trouva grâce devant Lamartine.
  28. Communiquée par Mlle  Mariotte.
  29. Édition de l’Imprimerie Nationale. — Correspondance relative aux Misérables. — Bibliothèque Nationale.
  30. Inédite.
  31. Bibliothèque Nationale.
  32. Madame de Lamartine venait de mourir.
  33. Inédite.
  34. Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie.
  35. Carjat, photographe renommé.
  36. Bibliothèque Nationale.
  37. Vacquerie avait dirigé et conseillé Mme  Victor Hugo pour son livre : Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie. Il en avait corrigé les épreuves et surveillé le lancement.
  38. Bibliothèque Nationale.
  39. Brion, dessinateur de grand talent, a illustré Les Misérables et reproduit les principaux personnages de Quatrevingt-treize.
  40. Correspondance relative aux Misérables. — Bibliothèque Nationale.
  41. Après une suspension de deux mois, Le Phare de la Loire publia dans son premier numéro (9 août 1863) cette lettre.
  42. Actes et Paroles. Pendant l’exil. Reliquat. Édition de l’Imprimerie Nationale.
  43. Inédite. — Paul de Saint-Victor écrivit dans La Presse des 3 et 12 août 1863 deux articles sur Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie.
  44. Voici la lettre que Madame Victor Hugo envoya à Paul de Saint-Victor après avoir lu son premier article :
    Hauteville-House, 7 août [1863]
    « Le journal La Presse nous apporte, monsieur, votre bienveillant article. Vous voyez mon modeste ouvrage à travers votre sympathie. Vous le rehaussez et le parez de la grâce puissante de votre talent et dans ce commentaire de maître j’ai peine à me retrouver. Si mon effort vous a trouvé facile et si vous m’avez lu avec indulgence, nous vous avons lu avec admiration. Le resplendissant article dont mon humble travail est si fier se double pour moi du bonheur de vous avoir écouté. Puisque ces belles lignes nous promettent une suite, laissez-moi, monsieur, vous remercier d’avance.
    Agréez l’expression de mes sentiments les plus distingués.
    Adèle Victor Hugo. »
  45. Collection Paul de Saint-Victor.
  46. Inédite.
  47. Bibliothèque Nationale.
  48. Collationnée sur le brouillon collé dans le Carnet de voyage de 1863.
  49. Émile de Girardin, dans La Presse du 15 août 1863, citait un passage de la lettre de Victor Hugo au Phare de la Loire et combattait notamment l’enseignement gratuit et obligatoire réclamé par Victor Hugo. Il préconisait l’enseignement payé et l’enrôlement volontaire. Comme l’indique ici Victor Hugo, la plume d’Émile de Girardin n’écrivait pas librement.
  50. Inédite.
  51. Bibliothèque Nationale.
  52. Archives de Mme  Lauth-Sand.
  53. Correspondance entre Victor Hugo et Paul Meurice.
  54. Inédite.
  55. Bibliothèque Nationale.
  56. Inédite.
  57. Il s’agit de la célébration du centenaire de Shakespeare.
  58. Au dos de cette lettre, ces mots :n’a pas été envoyé.
  59. Bibliothèque Nationale.
  60. Actes et Paroles. Pendant l’exil. Notes. Édition de l’Imprimerie Nationale.
  61. Voici la traduction de la lettre remise chez Victor Hugo, en son absence :
    Londres, le 17 août 1863.
    « Monsieur,
    La République des États-Unis de Colombie vient de consacrer dans sa constitution le principe éminemment chrétien de l’inviolabilité de la vie humaine, en vertu duquel la peine de mort ne doit jamais être imposée. À vous, Monsieur, qui avez été dans ce siècle le plus fervent apôtre de cette idée, à vous qui par votre puissant génie avez contribué en grande partie à ce que celle-ci pénètre dans les esprits illustres, et à ce qu’elle commence à être formulée dans les lois, à vous qui avez associe votre nom glorieux à cette belle idée nouvelle, à vous, Monsieur, les peuples rachetés doivent un témoignage de gratitude pour une aussi grande conquête.
    Permettez-moi donc, me considérant comme l’interprète des sentiments du peuple colombien, dont j’ai l’honneur de représenter les intérêts en Angleterre, de vous offrir un exemplaire de cette constitution, comme un hommage que ce peuple rend à la puissance de votre esprit, à l’élévation de votre caractère, et à la sainteté de vos idées.
    Je suis, Monsieur, avec le plus profond respect, votre très dévoué et très obéissant serviteur.
    Antonio Maria Padilla,
    Envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire
    des États-Unis de Colombie en Angleterre. »
    ( L’original se trouve relié dans le Reliquat de Pendant l’exil. Bibliothèque Nationale.)
  62. Victor Hugo raconté, tome II.
  63. Frère d’Émile Deschamps.
  64. Ces quelques mots cachent une grande douleur : le 16 juin 1863, Adèle avait quitté Guernesey. Ayant appris qu’un jeune officier anglais, M. Pinson, venait de s’embarquer avec son régiment pour Halifax, elle résolut de le suivre, et en octobre elle annonçait son mariage à ses parents. Fausse nouvelle. L’officier, pressé d’expliquer sa conduite, affirma n’avoir jamais parlé mariage à la jeune fille qui l’avait suivi à son insu ; sa lettre, fort courtoise, ne laissait aucun doute sur le triste état mental d’Adèle, état qui ne fit que s’aggraver. Elle ne recouvra jamais la raison.
  65. {{sc|H. Girard. Émile Deschamps.
  66. Poésies franc-comtoises. 1862.
  67. Gazette des Beaux-Arts, décembre 1921.
  68. Inédite.
  69. Jean Baudry, représenté au Théâtre-Français le 19 octobre 1863.
  70. Dupanloup, évêque d’Orléans, combattit ardemment pour obtenir la liberté de l’enseignement. Il nous a été impossible de retrouver l’appréciation de Dupanloup sur Les Misérables.
  71. Bibliothèque Nationale.
  72. Comédie représentée au théâtre de l’Odéon le 16 octobre 1863.
  73. Collection Louis Barthou.
  74. William Shakespeare.
  75. Le directeur du Comité pour le Centenaire de Shakespeare ayant écrit personnellement à Victor Hugo et l’ayant invité ainsi que François-Victor, Victor Hugo et son fils avaient adhéré au Comité.
  76. Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie. — Lettre publiée par Louis Barthou dans la Revue de Paris du 1er août 1920 et partiellement dans William Shakespeare. Historique. Édition de l’Imprimerie Nationale.
  77. Collection Louis Barthou.
  78. Garibaldi avait écrit, en août, à Victor Hugo pour le prier de l’aider à recueillir les fonds nécessaires à l’acquisition du million de fusils dont il avait besoin.
  79. Actes et Paroles. Pendant l’exil.
  80. Inédite.
  81. Chez Victor Hugo, par un passant. (Texte de Lecanu, gravures de M. Lalanne.) Enregistré dans la Bibliographie de la France du 28 novembre 1863.
  82. Maxime Lalanne, dessinateur, graveur et aquafortiste, a écrit un Traité de la gravure à l’eau-forte. La Maison de Victor Hugo à Guernesey est une suite rare de dessins pris à l’intérieur ; les œuvres de Maxime Lalanne montrent plutôt des vues de villes, des coins de parcs, de monuments.
  83. Éditeurs de Chez Victor Hugo.
  84. Bibliothèque Nationale.
  85. Lettre reliée dans le volume : Chez Victor Hugo, par Maxime Lalanne. Collection Louis Barthou.
  86. Réponse de Garibaldi à la lettre du 18 novembre :
    Caprera, 25 novembre 1863.
    « Cher Victor Hugo,
    J’étais sûr de votre offre, vous devez l’être de ma reconnaissance.
    Ce que vous me dites est juste, et je voudrais avoir un million d’âmes, qui rendrait inutile le million de fusils. Je voudrais avoir la foi universelle, qui rendrait inutile la guerre. J’attends aussi avec confiance comme vous la secousse des peuples, mais arriver à la vérité sans douleur et parcourir la voie triomphale de la Justice sans l’arroser de sang humain, c’est là l’Idéal qui nous fatigue tous en vain.
    À vous — qui apportez la lumière — le soin d’éclairer un chemin moins farouche et à nous celui de vous suivre.
    Pour le moment adieu.
    Votre ami pour la vie,
    G. Garibaldi.
    Gustave Simon. Revue mondiale, 1er décembre 1922.
  87. Brouillon relié dans le Reliquat de Pendant l’exil. Bibliothèque Nationale.
  88. Inédite.
  89. Bibliothèque Nationale.