Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1949

Louis Conard (Volume 8p. 383-384).

1949. À LA PRINCESSE MATHILDE.
Vendredi [13 février 1880.]

Non, ma chère Princesse, il n’y a pas d’entêtement dans mon absence prolongée.

La nécessité m’y contraint. Si vous connaissiez les mystères, ou plutôt les misères de ma vie, vous ne me feriez pas ces tendres reproches ; mais je vois que tout cela, enfin, va se terminer ! Il apparaît un peu de bleu dans mon horizon.

Vous me verrez au commencement de mai et, pendant un an au moins, je compte bien ne guère quitter Paris. Donc, je redeviendrai un hôte assidu de la rue de Berri et de Saint-Gratien.

Je suis présentement perdu dans la Phraséologie et dans les méthodes d’Éducation et je ne lis que les livres relatifs à ces matières. Aussi, j’ignore absolument la question du Divorce de mon ami Dumas et Le Divorce de mon autre ami le P. Didon, ainsi que les Mémoires de Rémusat et les Mémoires de Metternich. Je suis un Fossile, un être préhistorique ; mon existence est celle du grand ours des Cavernes.

Le Polyphile de Popelin m’a intéressé extrêmement ; dites-lui (à Popelin), je vous prie, que dans quelque temps, quand il fera plus beau, je le sommerai de tenir sa promesse, c’est-à-dire de me faire une visite.

Guy de Maupassant a remis chez vous un volume où il y a une petite comédie de société qui vous fera passer, je crois, un quart d’heure agréable[1].

Ma pauvre féerie[2] est bien mal publiée. On coupe mes phrases par des illustrations enfantines. Cela me restera dans ma haine des journaux.

Je vous baise les deux mains longuement, ma chère et bonne Princesse, et suis

Votre vieux fidèle et dévoué.


  1. Une Répétition, voir Œuvres complètes de Guy de Maupassant, Théâtre, 1 vol.
  2. Le Château des cœurs (La Vie moderne).